Sawa
Peuples résidentiels de la sous-nation Sawa, Bassa-Bakoko-Douala: histoire truquée contre histoire tronquée
Peuples résidentiels de la sous-nation Sawa (Basaa-Bakoko-Douala): histoire truquée contre histoire tronquée
Depuis la publication d’un essai en deux tomes par Mr Ekwe Mardochée Roger, essai ayant pour titre «L’origine Basaa du Ngondo et du nom Sawa » et « L’origine Basaa du Nom et du Groupe Douala » peu d’encre a coulé faute de contradiction écrite, beaucoup de salive a été avalée, faute de couler à l’occasion de débats publics contradictoires.
Je suis très respectueux de l’œuvre et des efforts de Mr Ekwe pour la connaissance de l’histoire des « groupes autochtones des berges du Wouri: les Masoso ma Nyambé », comme pour tout producteur des œuvres de l’esprit dont la grande communauté Bassa regorge des plus prolixes et excellents qui font la fierté du Cameroun, et qui comptent parmi mes maîtres à penser.
Toutefois, si le but recherché par l’activité littéraire de Mr Ekwe est « le rétablissement de la vérité et de la chose historique » qui aurait été tronquée par les membres d’une composante de ce groupe, les Duala en l’occurrence, si ce but est noble, sa démarche semble, à mon humble avis, plus partisane encore pour avoir produit une histoire truquée.
Toutes les fois que j’aborde l’histoire des peuples, j’ai toujours à l’esprit les écrits de Cheikh Anta Diop sur la « nécessité pour un peuple de connaître son histoire et de sauvegarder sa culture nationale ».
«Il ne s’agit pas [poursuit-il] de se créer, de toutes pièces, une histoire plus belle que celle des autres, de manière à doper moralement le peuple […], mais de partir de cette idée évidente que chaque peuple a une histoire. Ce qui est indispensable à un peuple pour mieux orienter son évolution, c’est de connaître ses origines, quelles qu’elles soient. Si par hasard notre histoire est plus belle qu’on ne s’y attendait, ce n’est qu’un détail heureux qui ne doit plus gêner dès qu’on aura apporté à l’appui assez de preuves objectives… ».
La narration de l’histoire des berges du Wouri par sieur Ekwè semble justement créer une histoire de toutes pièces du groupe Basaa, tant elle comporte de contre vérités « ryhmées », des « silences » et des mensonges par déformation et par omission des faits. Nombreux sont certainement ceux qui, peu avertis que lui mais pas si ignorants, à la première lecture de ces essais, les ont certainement jetés à tort dans la poubelle ou classés dans les archives, non sans avoir refoulé l’envie d’exercer un devoir de réponse.
En faire la critique a certainement paru une entreprise ennuyeuse pour d’aucuns, tant il y aurait à redire et contredire paragraphe par paragraphe que la longueur de la réaction égalerait voire dépasserait celle de l’action. La retenue d’autres qui ne voudraient pas paraître « tribalistes » en se voyant obligés de réfuter les termes de Mr Ekwe avec d’autres qui paraîtraient, aux yeux de l’opinion publique de tribalistes, pourrait aussi être compréhensible, mais manque de courage. Avoir le courage de ses opinions participe aussi de la tolérance.
Ma longue hésitation tient aussi du fait que j’espérais que des personnes plus qualifiées ou outillées que moi, des Duala en premier lieu ou d’autres traditionnistes ou historiens neutres éclaireraient notre lanterne, ne voulant pas prendre le risque d’être juge et partie, ou de céder à la tentation de tirer également la couverture de mon côté.
Mais face au silence condescendant des uns (je découvre après avoir rédigé les trois quart de cette publication, qu’il y a eu un début de mise au point sur les premiers occupants de Douala dans le site internet de peuplessawa.com qui a d’ailleurs cité une publication faite dans un blog que j’anime) et l’indifférence des autres pour ce pan de l’histoire de notre pays, là même où son destin étatique s’est amorcé, face à ce mutisme coupable qui peut être pris pour consentement, il fallait se jeter à l’eau. Au risque de se noyer dans le fleuve de mots nécessaires pour laver les injures ainsi faites aux « masoso ma nyambé ».
Il ne viendra à l’esprit de quiconque connaissant l’histoire de la ville de Douala, de réfuter un fait historique et implacable, à savoir que ce qui s’appelle aujourd’hui Douala est la « ville des Basaa », mieux, le « village des Basaa ». Comme elle est aussi la « ville ou village des Bakoko », ces derniers ne voyant même pas la nécessité de le marteler. Cela ne saurait insinuer que Douala n’est pas « la ville ou le village des Douala » comme c’est sous entendu.
Car dire de Douala « ville des Basaa ou ville des Bakoko » par rapport aux Douala reviendrait à dire du Cameroun « pays des pygmées », par rapport aux Bantous et autres, car premiers occupants de cet espace, dit-on. Qui osera dire que les Ewondo (frère de sang des Douala), en plein cœur de la capitale, ne sont pas de Ongola?
Au regard des conditions qui confèrent l’autochtonie à un peuple dans une localité, toute tentative pour l’un ou l’autre groupe d’extirper l’un ou les autres du foyer bâtisseur de cette ville sera vaine. Et pour cause !
L’histoire authentique commune s’imprime de façon indélébile dans la mémoire qui est comme un livre, chacun peut prendre ses libertés pour y puiser ce qu’il écrira dans sa mémoire ou son cahier personnel, sans que pour autant la source soit affectée, altérée ou effacée.
L’interprétation de Mr Ekwe est que l’histoire ethnosociologique des berges du Wouri n’est que Basaa, son groupe à lui, rien que Basaa et presque tout Basaa. Le Ngondo est d’origine Basaa, le nom Sawa est d’origine Basaa, le nom Douala est d’origine Basaa, et cerise sur le gâteau, le Groupe Douala lui même est aussi Basaa ou d’origine Basaa.
On ne demandait pas mieux que d’en être convaincus par les faits et démonstrations, les « preuves objectives ». A la place, des arguments évasifs et des approximations fantaisistes qui défient le moindre bon sens paysan, pour ne pas parler de démarche scientifique la plus triviale.
Le crime parfait étant rare, Mr Ekwe commet une erreur fondamentale en sous tendant sa vérité sur un postulat qui, démonté, effrite l’architecture de son développement historique comme un château de sable et jette le doute sur tout son travail qui est pourtant interpellateur. Et c’est ce que nous allons essayer de faire.
En effet, Mr Ekwe affirme, réaffirme, ne cesse de mettre en exergue dans les deux tomes de son essai, que les Bakoko n’ont pas atteint les berges du Wouri.
Et quand il mentionne leur arrivée et présence près de cet espace, c’est pour dire qu’ils y seraient arrivés en troisième position après les Bonambedi (Duala), qu’ils se sont installés sur les berges de la Dibamba, et que jamais, au grand jamais, sur celles du Wouri. Une fois pourtant, il se contredit.
Cette affirmation figure en pages 18, 23, 32 (2 fois) dans « L’origine Basaa du Ngondo et du nom Sawa », et en pages 19, 20, 44, 82 dans « L’origine Basaa du Nom et du Groupe Douala ».
Cette assertion n’est pas fortuite. Elle sert les besoins de la cause.
Ainsi, les Bakoko évacués des berges du Wouri, l’espace et le temps sont libres pour attribuer tout ce qui y a existé et s’y est passé aux seuls Basaa avant l’arrivée des Bonambedi, tout sera émanation et d’inspiration Basaa pendant et après leur cohabitation avec les Duala.
Et pour ce faire, les sources orales et écrites, la géographie, la toponymie, la généalogie, l’étymologie, la synonymie, la linguistique, aucun instrument et repères scientifiques majeurs au service de l’histoire ne sera épargné de torture.
La mémoire collective des peuples Basaa, Bakoko et Duala a retenu que l’espace qui s’appelle aujourd’hui Douala a pour premiers occupants depuis le 15ème siècle, les Basaa, les Bakoko, (il est souvent écrit et dit Basaa-Bakoko ou Basaa et Bakoko pour marquer la concordance ou proximité spatio-temporelle) et les Duala.
Dans cette mémoire sont également inscrites avec précision les positions géographiques respectives de chaque groupe ainsi que les sites de leur compénétration et fusion.
« Les Basaa occupaient la partie sud de la ville actuelle, en aval du Wouri, à Bonanjo, les Bakoko habitaient la partie nord, en amont depuis ngondo jusqu’à Bonamwang »[1].
Plus précisément, les Bakoko étaient en amont du fleuve Wouri (de Bessekè à Bonamwang) et les Basaa en aval (de Bonanjo à Bessèkè). C’est ce que depuis l’enfance, nos parents nous ont dit qu’ils ont appris de nos grands-parents.
C’est ce qui est tombé depuis des lustres dans le domaine des lieux communs. Seul le « lieu particulier» de Mr Ekwe et ses adeptes a retenu que le groupe Basaa s’était installé seul du plateau Joss jusqu’à la rivière Mbanya, en passant par Akwa et Deïdo.
Un groupe Basaa du Wouri sous la conduite de S M Moussongo Henri (1935-1964), Chef Supérieur Basaa du Wouri aura t-il attesté que « les Bakoko se trouvaient aussi à l’actuelle Direction des Douanes au lieu dit Ngondo » selon ses recherches, que cela n’a pas de valeur aux yeux de néo-chercheurs Basaa sous la direction de Mr Ekwè.
Ces faits historiques sont consignés dans plusieurs publications comme celle de J. Bouchaud[2] qui « rapporte un certain nombre de détails contenus dans les récits des voyageurs de l’époque », (15ème-19ème siècle).
«D’après les noms des lieux (tels Monambascha-Gatt) il semblerait qu’entre le nord de l’actuelle Douala et la pointe Malimba sur la rive gauche du Rio dos Camarones, vivaient les Bakoko-Basaa en amont, et plus tard, les Malimba vers l’aval.
A leur arrivée au 17è siècle, les Duala auraient donc repoussé les uns vers le nord (Bakoko Yabiang-Yapeke et probablement Mban et Basaa), et l’est (Bakoko-Yapoma et Basaa) et les autres vers le sud (Malimba)»[3].
Cette présence des Bakoko sur les berges du Wouri peut également être corroborée par l’histoire des BonEbelè (Deïdo). « Après la mort d’Ebelè, les problèmes se multiplièrent entre les Bonaku et les Bonebelè. Ngando a Kwa, fort âgé et débordé, demanda aux Bonébelè de regagner leur famille d’origine à Bonakwanè. Sur le chemin de retour, Ebulè, chef des Bonebelè s’arrêta au lieu dit aujourd’hui Bonajinjè pour informer son beau-père Mbimè Moukoko, Chef Bakoko du coin et père de Ngokinda de sa décision. Mbimè Moukoko le dissuada de continuer et lui offrit son hospitalité. C’est ainsi que les Bonébélè s’implantèrent jusqu’aujourd‘hui sur les terres qui appartenaient jadis aux Bakoko. […] La famille Bakoko de Mbimè Moukoko qui a donné l’hospitalité aux Bonebelè avait déjà accueilli il y a longtemps les Bonamouti, branche ainée des Bonambela. En effet, Ebeki Muti avait pris pour femme la sœur de Moukoko qui lui donna pour fils Mutudu Ebeki. Celui-ci était donc le cousin germain de Mbimè Moukoko, beau-père d’Eboulè Ebelè. Les Bonamouti vont donc cohabiter avec leurs beaux-parents Bakoko et leurs cousins Bonebelè ».[4]
Jean Philemon Megope Foode dans Douala, Toponymes, histoire et cultures rapporte des témoignages qui attestent que « les Yansoki (Yabonkwak) occupaient le site actuel de Bonabekombo et les Bonamikengué, les Japoma étaient à Bonélèkè, les Yassa partageaient le plateau Joss avec les Basaa de Lendi, les Logmangaa (Basaa) et les Ndonga (Bakoko) occupaient le site de Bonakouamouang et que les Ngodi étaient à l’emplacement actuel de Bonalembè ».
De même, il écrit que « quelques lignages Bakoko de Douala III […] affirment eux aussi être partis des berges du Wouri. Ils reconnaissent avoir été avec d’autres Mpoo sur le bord de Mbendè devenu Wouri. Seulement, alors que certains des leurs traversaient le Wouri, ils préférèrent longer le fleuve et c’est en empruntant les criques, qu’ils se sont installés le long de la Dibamba ».
En analysant par ailleurs la position actuelle des uns et des autres, on peut corroborer les positions d’antan eu égard au plan d’eau. Ceux qui se situaient en aval, là où le Wouri est plus large, ayant préféré emprunter les criques ou s’étant retiré vers l’intérieur du pays à pied. Ceux habitant en amont (Deïdo, Akwa-Nord) ayant préféré traverser le fleuve qui y était relativement plus rétrécis.
On peut multiplier à satiété des exemples illustrant la présence physique et la répartition territoriale des Bakoko sur les berges du Wouri, faits consignés dans la mémoire collective et les récits oraux et verbaux de l’époque.
Seule la mémoire sélective de Mr Ekwè et ses recherches orientées pour une nouvelle histoire les taisent.
En fait, Mr Ekwe a lu l’histoire avec ses propres œillères ethnocentristes, alors que l’histoire du passé doit se lire « dans le champ visuel » de ceux qui ont vécu les évènements et les ont imprimés sciemment ou inconsciemment dans des supports matériels ou immatériels.
Ainsi, en voyant la position actuelle des Bakoko-Yapoma aujourd’hui qualifiés de Bakoko du Wouri, jadis sous le joug des Basaa dans l’ancien Canton Basaa-Bakoko, Mr Ekwé a vite fait de conclure que les Bakoko ne se sont installés que sur les berges de la Dibamba, ignorant ou taisant par ailleurs l’existence des Bakoko Yabian-Yapeke, aujourd’hui qualifiés de Bakoko du Mungo, qui se sont retirés des berges du Wouri pour des distances relativement faibles ou qui ont fusionné au sein des Douala comme d’autres Bakoko (Yapoma, Ndonga). Il ne faut même pas creuser ni bêcher en profondeur sur le terrain de recherche dans lequel Mr Ekwe prétend avoir été pour que ces lapalissades affleurent.
La toponymie comme repère historique « utile à l’étude des migrations et du peuplement », a elle aussi été réduite au silence ou à la falsification sous la plume de Mr Ekwe.
Dans le même souci d’évacuer les Bakoko des berges du wouri, il évoque les différentes « appellations d’influences successives » de la ville, en omettant de faire référence aux Bakoko.
Pourtant, la ville de Douala a « successivement [été] appelée Bassa corrompue en Biafra, Yakaboti [Bakoko], Camerounville, et Douala à partir de 1901. Il y a là le témoignage des strates ethniques, notamment Bassa, Sow-Bakoko, et Ngala-Dwala, qui constituent le fond de sa population autochtone » [5]. Dika akwa, que cite plusieurs fois Mr Ekwe dans son essai.
Le nom original désignant le fleuve Wouri, « Mbende » est aussi un mot Bakoko, comme le nom du grand père des Bakoko-Yapeke, qui les aurait vraisemblablement conduits sur les berges du Mbende (Wouri). De là à conclure que c’est son nom qui a été donné au fleuve, il y a un pas qu’il faut se garder de franchir, faute d’éléments probants.
La communauté de résidence de ces trois strates Basaa-Bakoko-Duala a conduit à une superposition de noms de villages et de quartiers qui témoigne aussi de la présence et de l’influence des Bakoko.
Dika Akwa en donne quelques exemples: Logbessou-Yangbê-Bonadjindjê, Logmangaa-Ndonga-Bonakwâmwan, Ndogsoul-Yakaboti-Bonélang pour désigner le même espace. Ne parlons pas de Yadimbam, nom de lignage Bakoko inchangé de nos jours à Akwa-Nord, de Yadjakè devenu Bonadjakè à Bonamoussadi.
Les exemples sont nombreux.
Convoquons de nouveau le quartier Bonadjinjè (Deïdo) jadis Yangbê, où se situait le fameux fromager qui pour les Deïdo a été planté comme fleur sur la tombe de leur hôte et beau-père le Chef Bakoko Mbime Moukoko, et qui d’après les Basaa est la tombe de Bessou, l’ancêtre du groupe Logbessou.
Au-delà de la polémique, ceci révèle à suffisance la présence des Bakoko dans cet espace. Avant ou après les Basaa est un autre débat. Il suffira d’établir l’année de décès de Bessou par rapport à l’installation des Deïdo pour avoir une indication. Que les Deïdo qui disent avoir trouvé le Chef Bakoko à cet endroit (Bonadjindjê ou Yangbê), qui ont assisté à sa mort et après au départ de son groupe pour leur laisser l’espace puissent se tromper est dans l’ordre du possible, mais quel en est la probabilité ?
Ce témoignage pourrait aussi constituer un avantage pour les Bakoko sur la paternité de ce fromager, car il provient de témoins de l’histoire, et non d’une supposition.
La certitude requiert toutefois d’autres investigations.
Dika Akwa qui rapporte que « le quartier de Bonelang (nom ngala) s’étend autour de l’arbre sacré -filaeupsis discorphora : bongôngi- et du lieu Yakaboti, jadis NOM DE TOUTE LA VILLE ET CAPITALE POLITIQUE DES SOW-BAKOKO descendus du Nord » se trompe t-il aussi ? Rien n’est impossible.
Abrégeons ces repères historiques une fois de plus avec Dika Akwa qui n’a fait qu’écrire ce qui est encore visible et connu que «dans le canton Akwa d’aujourd’hui les lieux sacrés sont aussi bien Bakoko que Ngala : rivières, gouffres, arbres, pierres sacrées… ».
Comment les absents ou des gens de la périphérie peuvent-ils figurer jusqu’au sacré ? Est-il besoin d’évoquer que le lieu le plus sacré de ce peuple résidentiel Basaa-Bakoko-Duala aujourd’hui est le Mbanya à Akwa-Nord, et que ce dernier est sous le contrôle des Bakoko (Yadimbam et leurs frères Yabian-Yapekè), ce qui explique leur rôle dans les cérémonies funéraires des Chefs Akwa entre autres et le rôle proéminent qu’a joué le Chef Benga Diboume, Chef Supérieur des Bakoko du Mungo aux rites de bénédiction du Chef de l’Etat ?
Des inexistants hier ou de simples figurants peuvent-ils avoir une telle place et emprise? Il n y’a pas jusqu’à la mythologie qui peut être convoquée, pour trouver des figures aux noms d’origine Bakoko (précisions du conteur) comme Etoumbe Nkong, Misèlèbèndè Mibendè, de lieux comme Boloksuka et probablement l’arme comme Ebengue Njonga, ndambwè dans ce qui est considéré comme la plus authentique des légendes des peuples Sawa, « Les merveilleux exploits de Djeki la Njambe », qui a fleuri vers la basse Sanaga et l’île de Malimba.
Comment cette communauté peut-elle être prise pour quantité négligeable dans l’espace et le temps de l’histoire des berges du Wouri en particulier et du Sawaland en général ?
Les mouvements migratoires des peuples en présence sur les berges du Wouri et particulièrement des Mpoo, plus précisément ceux des Bakoko Yabiang-Yapekè auraient pu donner d’autres indications à Mr Ekwe. Les a-t-il ignorés ou n’en a-t-il pas connaissance ?
Depuis le départ de Ngog Lituba aux alentours du 14ème - 15ème siècles en direction des berges du Wouri, les Bakoko disent avoir souvent cheminé avec certains groupes de leurs frères Basaa.
La configuration actuelle du littoral camerounais et du Sawaland, des limites Est du Moungo aux confins de la Sanaga Maritime et du département de l’Océan indique à suffisance l’implantation spatiale et stratégique des uns et des autres telle qu’illustrée sur la carte ci-dessous, et traduit sans doute les rapports de force et l’influence des uns et des autres au regard de la dynamique des mouvements migratoires et des modalités d’implantation.
Les Bakoko ne pouvaient en conséquence être quantité négligeable ni invisible dans cet espace qui comprend les berges du Wouri.
A partir de celles-ci, « les Bakoko de la première vague migratoire traversèrent le Wouri à Bonamuduru, entre Bonatenè et Bonantonè. Ils le firent sur des troncs d’arbre [qui n’en avaient que l’apparence] en compagnie de quelques Basaa. Ils s’installèrent à Bonasama et Bonabéri. Pour peu de temps. A nouveau poursuivis par les Douala, ils partirent un peu plus loin à Minkwele et à Bomono où ils rencontrèrent des populations [d’autres composantes Bonambedi : Pongo, Mongo, Abo sans doute] venant de partout. Ils préférèrent s’éloigner et se dispersèrent le long de la rive droite du Wouri qu’ils furent les premiers à occuper. En chemin, ils avaient semé les quelques Basaa qui les avaient suivis. Ces derniers s’établirent à Sodiko, Bonamitumbè et Mpango ». (C. Buhan, E. kange, op cit).
La langue comme source d’information historique n’a pas non plus échappé aux affirmations gratuites de Mr Ekwè, sans un début de démonstration.
Aussi affirme t-il que « le Basa est resté de tout temps la première langue, la langue majoritaire des berges du Wouri ». Certainement dans sa bulle excluant les Bakoko et leur influence dans ce milieu et particulièrement sur les Douala.
Le Basa première langue et langue majoritaire, on devrait s’attendre à un grand emprunt de mots par la langue Douala que le Bakoko. Or une étude comparative d’un échantillon de 132 mots par C. Buhan et E. Kange montre que le Bakoko Yabiang-Yapekè et le Douala en ont 26 identiques, très proches ou dérivés: dibè, dibum, miyiba (mayiba), mbu, mbota, dikundu, dikwamba, mbaa, doho (ndoko), ndong (ndongo), di (dio), saba saba, mbu (mbo), inon, iyongo (eyongoledi), ngen, bwabè (yabè), nyu (nyo), toh (to), nja (njai), nyaha (nyaka), singè (singi), wu (wo), biba (beba), binna (benei), bitan (betanu) ; contre 13 avec le Basa : libè, libum, likund, singi, njal, ngen, nyo, nja, nyaga, wo, biba, binna, bitan les mêmes par ailleurs que le Bakoko.
Le Douala a 47 mots voisins au Bakoko, contre 51 au Basa, dont 41 sont identiques ou proches du Bakoko.
Gare aux conclusions hâtives ou sans fondement scientifique.
Loin d’affirmer à partir de cet exemple que le Bakoko a plus influencé le Douala et vice versa que le Basa, ceci témoigne tout au moins que les Bakoko n’étaient pas absents des berges du Wouri, autour et au sein des Basaa et des Douala, à partir du critère linguistique.
Sous la plume de sieur Ekwè, l’exploitation partisane de la source principale de l’histoire africaine qu’est l’oralité et les écrits consignés à partir d’elle ainsi que la toponymie ayant exclu un maillon essentiel de l’histoire des berges du Wouri que sont les Bakoko, la voie était libre pour l’utilisation de l’étymologie, l’ethnonymie, la patronymie au service de la manipulation de la généalogie qui devait montrer l’origine Basaa du nom et du groupe Douala. Si les grains de sable (mukoko en Duala, et désignation au singulier des Bakoko) ne venaient gripper la machine.
L’histoire des migrations du groupe Basaa pour les berges du Wouri sous la conduite du Patriarche Saa, d’après Mr Ekwe, met en présence trois grandes familles : les Logmbot, les Ndogkeng-Ndogbissoo et les Ndogmakoumack. Il présente les arbres généalogiques desdites familles :
- arbre généalogique du groupe Basa diffusé dans le groupe Basaa;
- arbre généalogique des Logmbot;
- arbre généalogique des lignages Logmbot des berges du Wouri;
- arbre généalogique du patriarche Saa;
- arbre généalogique de la famille Ndogkeng-Ndogbissol.
Toutefois, comme un fantôme qui hante le village, les Bakoko viennent encore troubler la tranquillité de Mr Ekwe. Suivons-le: « Si la réalité impose que les Bakoko ne s’installent pas sur les berges du Wouri et que le passé de plusieurs lignages Basaa… » et en note de bas de page en référence au mot Basaa, il écrit : « L’un des trois lignages Basaa est depuis la genèse de cette ville confondu à un lignage Bakoko. D’où la confusion. Les Ndgokeng-Ndogbissoo puisqu’il s’agit d’eux font partie du groupe Basaa aujourd’hui. Ils n’ont rien à voir avec le groupe Bakoko de la Dibamba ». Pourquoi tant d’acrobaties intellectuelles sans adversité ni adversaire?
En Nota Bene de l’arbre généalogique de la grande famille Badjob, Basoo et Bakoko qu’il présente et dans lequel il situe les Ndogbissol comme descendants de Djob, Mr Ekwe écrit : « les descendants de Djob ont pour langue de communication, le Basaa. Ils ne se reconnaissent ni au groupe Bakoko, ni au groupe Basoo mais, beaucoup plus au groupe Basaa. Cependant, la proximité a fait qu’aujourd’hui, plus d’un historien classent certains descendants de Djob dans le groupe Bakoko dont, les Ndogbisso, les yabii et les Ndonga. D’où cette confusion ».
Arrêtons-nous un instant pour décortiquer ce chef d’œuvre de « confusion ».
Surlignons les mots « depuis la genèse de cette ville »; « font partie … aujourd’hui»; « rien à voir avec…»; « ont pour langue de communication …»; « ne se reconnaissent ni …». Pourquoi Mr Ekwe n’écrit-il pas « sont des Basaa » à la place de « font partie » ? Pourquoi le terme « aujourd’hui » et non « depuis » ? «Ne pas se reconnaître» change t-il «l’être ou l’essence »? La proximité joue t-elle seulement en faveur des Bakoko ?
C’est ici que Mr Ekwe va s’embourber dans ses contradictions et amalgames, sur la base d’une généalogie qui prête elle-même à équivoque. Normal, le rôle qu’a joué cette famille Ndogkeng-Ndogbissol dans l’histoire des berges du Wouri et les relations avec les Duala ne doit faire d’elle autre chose que des Basaa. Mais alors qu’on s’attendait à pareille démonstration, c’est plutôt le contraire qui nous est décrit et présenté, pour aboutir au résultat escompté.
Le serpent se mord la queue.
Ouvrons une parenthèse afin de mieux comprendre les subtilités du langage de Mr Ekwe.
Il n’existe pas de groupe Bakoko au sens anthropologique du terme. Bakoko n’est pas un patronyme au sens propre du terme, aucun ascendant ne portant le nom ou surnom « Koko ». « Le nom Bakoko aurait été conféré par les Malimba et les Duala aux Yakalak et Yabyan-Yapeke, selon Cosme Dikoume[6] et Y. Nicol[7] cités par C. Buhan et E. Kange Ewane. Certains en ont trouvé une contraction de « Ba mukoko », ceux qui vivent sur du sable, sur les berges, comme les auraient décrit les Duala.
Ensuite, ce terme a servi pour désigner les autres clans parlant la même langue, une variante de l’Ati qui sera elle-même baptisée Bakoko, entre autres les Adie. Elle s’est même appliquée aux Bakokwe de la région de Yaoundé. Jusqu’aux Akoko du Nigeria ? Ces populations dites Bakoko se nomment elles-mêmes aujourd’hui Elog Mpoo « ceux de Mpoo », du pseudonyme de leur ancêtre éponyme Nnanga Mbang Ngee. Ils auraient dû se nommer (ils se font aussi appeler) Yambangee, en remontant à un ascendant commun à tous les clans. Cela est un patronyme convenable. Les historiens les nomment Sow-Bakoko et on écrira souvent Bakoko lato sensu. Et parmi les cantons qui constituent ces Elogmpoo, regroupés dans leur Assemblée Traditionnelle et Coutumière des Elogmpoo (ACTEM), figurent très bien le Clan Ndog Bessol, Elog Mpoo « Bassaphones » car parlant le Basa comme langue courante et utilisant le Bakoko comme langue rituelle. Ils se trouvent dans le Nyong et Kelle (Messondo), dans l’Ocean (Lolodorf), dans le Littoral (Edéa) et… dans le Wouri(?). Car ce serait l’une de leurs branches qui a migré au bord du Wouri avec les Basaa, d'après la narration de Mr Ekwe et leur généalogie présentée par ce dernier. affaire à suivre.
Selon la généalogie présentée par Mr Ekwe lui même, les Ndogbessol du Wouri sont les frères des autres Elog Mpoo. Djob, leur ancêtre étant le fils de Mbang et frère de Nsoo (grande famille Basoo, ancêtre des Bakoko stricto sensu).
Généalogie des Ndogbessol (d’après Mr Ekwè): Ndogbessol (ou Bessol), fils de Djob, fils de BANG, fils de Dis, fils de Mbok, fils de Koné, fils de Ngog, fils de Nsoo, fils de Mbang, fils de Ngé, fils de Nanga
Généalogie des Bakoko-Yapekè (Bakoko Mungo) (d’après Mr Ekwè): Peke, fils de Biang, fils de Nsoo, fils de BANG, fils de Dis, fils de Mbok, fils de Koné, fils de Ngog, fils de Nsoo, fils de Mbang, fils de Ngé, fils de Nanga.
En parallèle, la généalogie des Basaa (d’après Mr Ekwè): Saa, fils de Mbim, fils de Mbot, fils de Nkwang, fils de Kapaa, fils de Biloo, fils de Nkol, fils de Bilong, fils de Ngah, fils de Ngok, fils de Ngé, fils de Nanga.
La généalogie Mpoo quant à elle présente Besol comme fils de Ang (Byan), fils de Nnanga (Mpoo) fils de MBANG ; et Pekè, fils de MBANG (Bang ci-dessus).
La généalogie des Bakoko-Yapeke (Dika Akwa condensé): Peke fils de Dingenda, fils de Mbende, fils de Mbang, fils de Ngee fils de Nanga.
Je voulais me garder de citer de larges extraits de Mr Ekwe, mais le chef d’œuvre ci-dessus mérite d’être présenté in extenso. « … contrairement à la pensée commune, seul les Basaa occupent les bords du Wouri au moment où les Bonambedi arrivent. Toutefois, la présence d’une fraction Ndogbissoo dans le groupe Basaa et l’installation (bien plus tard) d’une fraction Bakoko sur l’un des affluents du Wouri (Dibamba), ont fait que le souvenir Bakoko persiste jusqu’à nos jours sur les bords du Wouri. Il est important de souligner ici que ce groupe, qui a pour langue de communication le Basa, descend de Djob (Badjob), l’oncle de Nanga dit Mpoo, le père des Bakoko. Comme hier, plus d’un historien continue à classer certains descendants de Djob dans le groupe Bakoko, dont la famille Ndogkeng-Ndogbisso vers Edea, de laquelle dérive la fraction aujourd’hui dans le groupe Basaa ». Six lignes plus bas, Mr Ekwe parle d’ «une famille Nodgbissoo confondue à une famille Bakoko». A se demander si Mr Ekwe s’entend ou se lit. Dire une chose et son contraire sur deux paragraphes de la même page, il faut le faire.
Ainsi, les Yambangee, Sow-Bakoko, Mpoo, Bakoko (comme a dit Jean Miché KanKan: prenez ce que vous prenez), comme un cheveu dans la soupe, apparaissent au sein du groupe Basaa des berges du Wouri sous forme de Ndogkeng-Ndogbissoo, ces Bakoko qui « ne se reconnaissent pas » Bakoko, mais Basaa auxquels ils ne sont pourtant que affiliés, sans parenté réelle.
Du moins au premier ni au second degré.
En se faisant transfuser le sang, change t-on pour autant son groupe sanguin ?
Qui a encore dit que les Bakoko (lato et stricto sensu) n’ont pas atteint les berges du Wouri ?
Même les Ndonga, bassaphones aussi, qui se reconnaissent Mpoo (Bakoko) et sont partie prenante de leur regroupement (ACTEM) et au sujet desquels Mr Ekwe écrit « … les Ndonga occupaient l’actuel site de Bonakouamoung » ne peuvent être vus comme des Bakoko sur les bords du Wouri, car Mr Ekwe a estimé que c’était par confusion qu’ils étaient classés parmi les Bakoko comme les Yabii et les Ndogbissoo.
Les Ndonga aviseront !
La légère manipulation de l’arbre généalogique Bakoko (Elogmpoo) et affiliés que présente ensuite Mr Ekwe, après le précédent, qui présente les Ndogbissol comme clans affiliés aux Bakoko (Elogmpoo) n’est que pure diversion. Dans aucune généalogie présentée par Mr Ekwe, les Ndogkeng-Nodkbissoo n’apparaissent avec des liens de filiation avec les Basaa.
Cependant, les figures de proue Ndogkeng-Nodkbissoo que sont les patriarches DUMU (Djon) et son fils BONG sont présentées dans les essais comme des Basaa.
Pourquoi en faire autre chose puisque « le nom de Douala tire son origine des familles DUMU et EWALE » comme l’affirme Mr Ekwe, et que BONG ayant pour fille NGO DJON (Moudjonguè) mariée à NGIYE (Douala) selon la version Ekwe, enfanteront KOUO (Mapoka ou Mapota) de qui descendent les Akwa en particulier, ce qui ferait des Douala des Basaa en général ?
DUMU et BONG, des Ndogkeng-Ndogbissoo, Sow-Bakoko par filiation et Basaa par affiliation (d'après Ekwe lui-même) se devaient donc être Basaa tout court. Ni Basaa-Bakoko, encore moins Bakoko.
« Les faits étaient trop rebelles, il fallut les contraindre à se ranger dans le cadre des idées a priori » (C. A. Diop). Et c’est ce que fait Mr Ekwe avec doigté, que dis-je maladresse.
Si pour les Sow-Bakoko, Mr Ekwe n’a pas outre mesure manipulé la généalogie, sauf à rattacher Yadimbam (Bakoko de Akwa-Nord) à Bong de Ndogkeng-Ndogbisoo comme « fils adoptif ou cédé à une autre famille », celle des Ngala-Dwala (Ewale Mbedi) présente de curieux amalgames et interrogations.
Nous réservant de jouer à l’arbitre entre Mr Ekwe et les Douala, il peut nous être permis de nous positionner en scrutateur des versions généalogiques Douala présentées par les deux parties. Pour y déceler des incohérences chronologiques et des points de discordance. Et une fois de plus, les « trouble fête » Bakoko seront au rendez-vous.
Celles-ci commencent au niveau de Mulobè, fils d’Ewale l’ancêtre éponyme des Duala (lato sensu).
D’après Mr Ekwe, Mulobe a été accueilli sur les berges du Wouri par le Patriarche Bong, son père Ewal’a Mbedi étant décédé à l’île de Manoka, donc n’ayant pas atteint les berges du Wouri.
En passant, Manoka ne fait-il pas partie des berges du Wouri ?
Cette relation des faits appelle quelques interrogations.
Comment le patriarche Bong, mort vers 1652 vécu au 16ème siècle (ce qui semble cohérent en remontant à son père Djon ou Dumu qui aurait vécu vers la fin du 15ème siècle et qui a migré vers les berges du Wouri en se séparant de son fils Batigbe, ancêtre de la branche Ndogbissol ayant migré dans le Nyong et Kelle et l’Océan ou étant resté dans la Sanaga Maritime) peut-il accueillir Moulobè qui lui aurait vécu au milieu du 17ème siècle, son père Ewalè ayant vécu au début du même siècle? Première interrogation et curiosité.
Ceci ne suggère t-il pas que Ewal’a Mbedi aurait atteint l’emplacement actuel de la ville de Douala et que c’est lui qu’aurait accueilli le Patriarche Bong ? Cet élément est important, car il est au centre de la polémique sur le nom de la ville selon l’argumentaire de Mr Ekwè.
Deuxième observation qui marque le début de désaccords sur les noms, d’amalgames sur l’étymologie, l’homonymie, les patronymes.
Ngiyè (17-18ème siècle), fils de Mulobè et de mère Ndogbong (Bakoko, Bakoko-Basaa ou Basaa c‘est selon), d’après les Duala et les travaux de Dika Akwa, aurait épousé une fille de Yansoki-Bakoko nommée Nyaka Mbenda qui devient Nuk Mben petite fille de Hom i Bat sous la plume de Mr Ekwe. De l’union de Ngiyè et Nyaka Mbenda naîtra Mapoka III (18ème siècle) qui s’unit à son tour à Moudjonguè (Ngo Djon de Mr Ekwe) pour engendrer Kouo (Kul I)[8] qui donne à son tour Kwa (Kul II) père de Ngando a Kwa. Selon Mr Ekwe, Ngiye aurait plutôt épousé Ngo Djon (Moundjonguè fille de Ewouma d’après Dika Akwa). De leur union naquit Kouo alias Mapota (Mapoka III des Akwa), qui s’unit à Nuk Mben pour engendrer Kul I, père de Kul II (Kwa des Akwa).
Dans la version de Mr Ekwe, pourquoi Ngo Djon (Moundjongue) a-t-elle été baptisée du surnom (Djon) de son grand père Ndong ou Dumu, et non d’après son père Bong pour être Ngo Bong comme il est de règle dans la tradition ou les pratiques Basaa? Exceptions ?
Une Ngo Bong apparait plutôt comme petite fille de Ngiyè, fille de Kouo.
Pourquoi ce nom une fois de plus au lieu de Ngo Kouo? Si on remontait ce Ngo Bong d’un palier, ne se retrouverait-elle pas à celui de Mapoka III (version Dika Akwa), et de surcroit fille de Bong (version Ekwe) et serait peut être cette Ngo Djon ou Moundjongue qui épousa Mapoka III selon Dika Akwa et les généalogistes Douala ? Bien malin celui qui remettra chaque pièce de ce puzzle à sa place.
Pourtant, ces problèmes de forme que constituent les noms et la place des acteurs dans l’arbre généalogique et l’architecture ethnoculturelle des peuples Basaa et Duala ne sont que la fondation de l’édifice d’amalgames et de confusions sur l’identité et la personnalité des Duala et la véracité des faits historiques.
Sur la base de simples transcriptions de nom Duala ou Bakoko en Basa ou vice-versa, le tour de passe-passe est souvent joué qui modifie les fondements généalogiques, ethnologiques de l’histoire des berges du Wouri.
On l’a vu avec Moudjongue (Ngo Djon), Nyakè à Benda (Nuk Mben), pour lesquels nous accordons le bénéfice du doute à Mr Ekwè faute de preuves objectives contraires et dont la version nous semble pertinente dans certains aspects, que celle de Dika Akwa.
On lui aurait accordé encore plus de crédit si certaines approximations voire transformations flagrantes ne précédaient et ne suivaient cet épisode.
Car en remontant jusqu’au niveau de Mbongo, l’ancêtre lointain des Duala, on détecte que son fils Ngassè à la tête de la famille Ngala-Dwala appelée Longassè est « Basaisé » sous la plume de Mr Ekwè pour devenir le patriarche Ngah, ce qui fait de lui un Basaa et non un Bonambedi. L’acte de naissance est signé Ekwè Mardochée. Peu importe ce qu’en pensent les Longassè, Ekwè ne les reconnait pas apparentés aux Douala. Les Longassè siffleront la récréation.
Quelques paliers plus bas, on retrouve Mulobè, fils de Ewal’a Mbedi, que les Douala assimilent à Moneba, le Roi tant vanté par les navigateurs européens. Ekwe Mardochée en fait Mapota ce fils objet de l’alliance Douala-Bassa/Bakoko dont nous parlerons plus bas, car au centre de la polémique sur l’origine des Douala.
A la décharge de Mr Ekwe cette fois, selon mon analyse, Moneba a vécu jusqu'au milieu du 17ème siècle (1666), à la période Hollandaise de l’histoire des berges du Wouri, et le récit des domaines de Moneba que fait Jean Barbot, agent des diverses compagnies des Indes vers la fin dudit siècle (1675-1682) à l’époque le rapprochent de Mapota ou Mapoka III des Douala, petit fils de Moulobè, qui aurait vécu à cette époque.
Et ce fameux Mapoka III, parlons en. C’est à partir de lui que les amalgames et confusions s’amoncellent pour bâtir la thèse de la perte d’identité des Bonambella en particulier et des Bonewale en général.
Le rapprochement des arbres généalogiques des Akwa décliné par eux-mêmes et celui présenté par Mr Ekwe n’indique pas des différences ou disparités fondamentales. Les paliers sont au même nombre, mais les noms et l’affiliation de certains membres sont sujets à observations.
A commencer par Mapoka Ngiye ou Mapoka III. Né de l’union entre Ngiye Moulobè et Nyake Mbenda une Bakoko de Yansoki d’après les Akwa, il avait pour frères consanguins Moutie, fondateur des Bonamuti (Akwa) et Kwanè I’ancêtre des Bonewonda et Bonebelle (Deïdo), nés en première noce de Mateke Mooh. Mapoka Ngiye épousa Moudjongue, la fille unique d’Ewoumè a Bati.
Cette union fit l’objet d’une convention avec clause particulière et extraordinaire préconisant la remise de l’enfant mâle fruit de cette union aux Basaa-Bakoko.
Cet enfant fut nommé Nku (tambour en Basaa et en Bakoko) par ses grands-parents maternels, nom qui sera déformé en Kouo, Kouo Mapoka « l’ancêtre éponyme des Bonaku » ou Akwa.
On note ici une première divergence avec la version de Mr Ekwe qui estime quant à lui que Mapoka et Kouo sont une seule et même personne. Les Duala l’auraient nommé Mapoka par déformation de son surnom Basaa Mapota qui signifie donation. Or nous savons que dans la généalogie des Bonambedi, il y a déjà eu deux Mapoka. Donc ce nom existe bel et bien chez eux. Simple coïncidence ? La deuxième divergence est que Mr Ekwè fait de Kwanè une sœur utérine de son Kouo (Mapota). Il suffira de suivre la descendance de Kwane pour faire des vérifications.
La suite de cette histoire indique que Kouo Mapoka (Kouo Ngiye/Mapota) fut remis ou habita chez les « Basaa » (Ndogkeng-Ndogbissoo), concession que firent les Bonambella (Akwa) afin d’apaiser le courroux de leurs beaux-parents à cause de leur tentative de transgression du pacte. Il n’est pas dit explicitement si (ou comment) Kouo (Mapota) rentra dans sa famille paternelle pour assurer la descendance des Bonaku (Akwa) ou s’il le fit à partir de Basaa. Ceci constitue pour moi une zone d’ombre, mais ce n’est pas l’essentiel.
D’après les Akwa, Kouo Mapoka avait 5 épouses (au moins) dont l’une Makale Mbwete est la mère de Kwa Kouoh. Kwa Kouoh est le père du Roi Ngando a Kwa (1777-1846) né de Miondè Kwane Ewondè.
Pour une meilleure lisibilité et une quête de traçabilité, il nous parait important de citer les autres épouses et enfants de Kouoh Mapoka.
Bongkwak lui donna Mouangue II Kouoh et Eyike Kouoh.
Mouengue enfanta Dikoto Kouoh.
Mikengue donna naissance à Ebongue Kouoh et Mouangue I Kouoh.
Une épouse dont le nom n’est pas spécifié enfanta Ngoubo Kouoh, Ebanji Kouoh, Ebakala Kouoh, Ekolowan Kouoh, Botedi Kouoh, Bikila Kouh et Ekoukoulan Kouoh. (Source : Généalogie Sawa, Heredis).
Quelques différences apparaissent avec la version Dika Akwa qui n’est pas autant explicite, les enfants de l’une ayant été attribués à l’autre.
Sous la plume de Mr Ekwe, Kouoh Ngiyè (Mapota) enfanta Kul I avec Nuk Mben pour épouse. Ce Kul I aurait également été remis à son grand-père maternel Hom i Bat de Ndogbat, à la faveur d’un autre pacte dont les Douala ne font pas référence ou ne reconnaissent pas.
Les Bonambella auraient été de bons distributeurs universels d’enfants mâles!
Ce Kul I devint le fondateur des Bonaku, sans que Mr Ekwè ne dise non plus comment il s’est affranchi de ses parents « adoptifs » Ndogbat pour le faire. Il aurait eu pour frères Tée, fondateur de Ndogbong et Makèpè, Mbend fondateur de Beedi, Malanguè et Bipenda, Kouo fondateur de Bonabasem, et Ngo Bong fondatrice de Bonebong/Bonangang. La vérification de ces lignages permettrait également de voir clair sur l’histoire des Bonambella et des « Basaa ».
Kul I épousera Nkengue (Ngo Nkeng), une fille Ndonga (Bakoko) et enfanteront Kul II ou Kwa.
Un autre point de divergence apparait ainsi entre les Akwa et Mr Ekwè, sur la mère de Kwa Kouo (Kul I), Makalè Mbwete pour les premiers, Ngo Nkengue pour le second. Qui est à côté de la plaque?
La confusion est encore semée sur le lignage Bonatongo (Yabonkwak) par Mr Ekwe, qui lui trouve un ascendant d’origine « Basaa » du nom de Bong i Kwak (Bong de la sanction). Les Bonatongo seraient donc dénommés d’après le père de Bong i Kwak, Kul, qui signifierait tongo en Douala.
Sauf que Mr Ekwè a tout faux ici, car Kul, tortue, signifie wudu en Douala, tongo étant plutôt la traduction Bakoko. Pourtant « l’histoire Douala [qui] attribue une origine Bakoko » aux Bonatongo ne passe pas aux yeux de Mr Ekwè, même si l’histoire de Bong i Kwak ou Bong II, arrière petit fils du patriarche Bong, qui nait d’une liaison adultérine entre son père Kul (Mapoka Ngiyè) et la dernière épouse de son arrière grand père, le patriarche Hom (erratum ?), semble être tirée par les cheveux.
Les Bonatongo apprécieront.
Il serait fastidieux et hasardeux de suivre Mr Ekwè dans ses développements, dont la quintessence est qu’à la faveur d’alliances matrimoniales entre les Bonambela, une branche du peuple Bonewalè, avec les Basaa (Bakoko exempts), faisant fi de l’autre branche des Bell, les Douala cessent d’être un peuple racial pour devenir un peuple résidentiel. Car ayant assimilé des lignages d’origines diverses. Lesquels ?
Mieux, les Douala auraient perdu de ce fait leur identité pour prendre l’identité Basaa.
Sous la plume de Mr Ekwè, un nouveau peuple ou tribu est né sur les berges du Wouri, les Douala. « Entité sociologique née sur les berges du Wouri de l’union entre une famille Basaa et une famille Bonambedi ». Autrement dit, les Ngala-Dwala se sont fondus au sein des Basaa. Il conclut d’ailleurs « en soutenant qu’il n’y a jamais eu trois groupes sociaux dans le Wouri, mais plutôt deux: les Basaa, dont fait partie le groupe connu aujourd’hui sous le nom Douala et les Bakoko sur la Dibamba ».
Franchement !
Pour faire avaler la pilule selon laquelle le Groupe Douala a cessé d’exister sur les berges du Wouri, Mr Ekwe a encore touché à certains faits historiques pour démontrer ou se convaincre - car il ne démontre en fait rien et ne convaincra que les crédules- la fragilité des fils d’Ewal’a Mbedi et leur prédisposition à se fondre dans le groupe Basaa.
« Sans véritable situation ni envergure significative » à leur arrivée sur les berges du Wouri, avec leur langue « pour seul héritage ». Il estime en effet qu’à leur arrivée « sur la nouvelle terre promise », les Bonambedi (Ngala-Dwala) étaient au nombre d’à peu près «8 individus, femmes et enfants confondus ».
Un peu comme le peuple juif qui est entré en Egypte (terre maudite ? » au nombre de 70 individus.
Les Bonambedi devaient être un peuple élu de Dieu, pour avoir émergé sur les berges du Wouri comme un peuple conquérant.
En fait, il n’en est rien, car tout cela participe, comme d’autres arguments fallacieux, de l’histoire idéologique que Mr Ekwè pourfende pourtant.
L’arbitre qu’est le groupe Bakoko Yabiang-Yapekè qu’il ne voit pas est là pour siffler le « foul play ».
Leurs sources révèlent que la principale raison de leur départ des berges du Wouri réside dans les « pratiques guerrières des Duala qui tuaient la nuit, subrepticement » (C. Buhan et E. kange). La coexistence avec les Duala devint difficile, les Bakoko reprochant en outre aux Douala « leur saleté et leur manque de pudeur » (op cit). C. buhan et E. Kange écrivent qu’ « à leur arrivée au 17ème ou 18ème siècle, les Duala apparurent aux populations qui étaient sur place comme des guerriers pleins de vitalité mais sauvages, sans foi ni loi. Bakoko et Basaa leur cédèrent du terrain que les Duala s’approprièrent au lieu de se considérer comme locataires ».
Comment 8 individus peuvent-ils contraindre « 3 familles Basaa » et plusieurs familles Bakoko solidement installées et organisées à se retirer sans qu’ils n’aient été anéantis ?
Mr Ekwe colporte ici le stéréotype selon lequel les Duala, (quelques individus dans une ou deux pirogues d’après les chiffres de Mr Ekwè), ballotés au gré des vagues en provenance du Congo, dérivèrent vers les berges du Wouri., récupérés par des bienfaiteurs.
J’ai même entendu un grand universitaire dire à la Télévision que « les Douala ne sont pas camerounais ».
Pure hérésie au regard de l’histoire contemporaine et originelle de ce pays, des acteurs et circonstances qui sous-tendent le fondement juridique et l’histoire politique de la nation camerounaise, au centre desquels se trouvent les Duala.
Dire même que les Douala sont d’origine congolaise me parait extrapolé. Ce qui est sûr est qu’ils sont apparentés aux congolais avec lesquels ils appartiennent à la grande nation Ngala, elle-même résidu de l’empire du Wangara.
Ces Ngala partis du bassin du lac Tchad faisaient partie du mouvement migratoire dit injanga qui mena certains jusqu’au Congo. Les Ngala-Dwala quant à eux n’auraient pas d’après ma modeste analyse et quelques indications historiques, fait le mouvement de flux et reflux entre le Cameroun et le Congo.
Le mouvement injanga ayant le pied de la chaîne montagneuse du Cameroun comme centre d’irradiation, les Ngala Douala auraient probablement marché à travers la baie du Biafra en direction des berges du Wouri.
La toponymie de cette baie du Biafra nous renseigne à suffisance du passage (avant ou après les berges du Wouri ?) de ces Ngala-Dwala avec les noms de localités tels que: Bakassi (qui ont acceuilli); Jabanè (séparation); Na Wumsè Wan (je me suis reposé ici); Idabato (qui mange les gens); Kombo’a Mukoko (Pêcherie du sable); Kombo’a Bedimo (pêcherie des fantômes), Mukala Tanda, etc.
On n’a qu’à observer également la répartition des autres descendants de Mbongo Mbeh autour de cette chaîne montagneuse « englobant les Monts Barombi, le Mont Nlonako, le Mont Manengouba, le Bamboutos » et qui ont pour noms: Longasse, Batanga, Malimba, Subu, Bakweri, Bakossi, Bakaka, Mbo, Banyangui, Bafoun, Abo, Ewodi, Bodiman, Pongo, Mongo, Santzou, Foreke (Dschang), etc.
Le centre de gravité des fils de Mbedi se déplacera plus tard à Pitti-Dibamba non loin d’Edea, où leur ancêtre Mbedi vécut aux côtés de son frère Ngassè jusqu’à la fin du 16ème Siècle. De là ils s’ébranlèrent vers les berges du Wouri en passant par Manoka.
Il est à noter que les historiens mentionnent et beaucoup de faits attestent que les trois peuples Basaa, Bakoko et Douala se sont toujours retrouvés côte à côte au cours de leurs migrations. Les Bassa et Bakoko n’ont-ils pas quitté la région du bassin du Lac Tchad bousculés par Modi Sopo, l’ancêtre des Douala ?
Ils ne sont donc pas entrés en contact pour la première fois sur les berges du Wouri. Pour preuve, la mère de Ewal’a Mbedi était une Bakoko du nom de Oho Songue.
Ceci a dû faciliter leur accueil sur les berges du Wouri, sans bataille répertoriée.
Les Ngala-Dwala ne sont donc pas des « boat peoples » ayant échoué au large du Wouri, sans organisation ni structure sociale.
Ils présentaient les « caractéristiques de tous les Ngala, « gens de l’eau » marchands, monopolistes [ …], dans la zone du Kongo les ngangala et Nord du Zaïre, les Bangala opèrent en utilisant le commerce pour modifier profondément les organisations politiques des pré-établis, exactement ce que font leurs frères Ngala restés à la côte du Cameroun». (Dika Akwa).
Rien ne montre que les Duala se sont soumis à un autre groupe sur les berges du Wouri, au contraire, tout indique qu’ils s’y sont comportés en conquérants. « Les lettres des premiers missionnaires baptistes dépeignent [les Duala] comme une sorte d’aristocratie guerrière, dominant les premiers habitants du pays, au moyen de cruautés sauvages et d’abrutissements superstitieux »[9].
S’il est avéré que Moulobè, présenté comme un « grand négociant, promoteur de la zone commerciale du Rio del Rey », est bien Moneba, « le Roi le plus puissant de la côte Ouest Africaine », alors, il devait être en position de force en conduisant les siens sur les berges du Wouri. Simple déduction.
Il est par conséquent très peu probable que les Duala aient été absorbés ou aient fusionné dans un autre groupe pour perdre leur identité. Si oui, comment s’en sont-ils sortis pour monopoliser le commerce et les relations avec les européens au point de devenir les maîtres absolus des berges du Wouri du 18ème au 19ème siècle ?
Comment une partie (les Bonambella) d’une « quantité négligeable » comme les Bonambedi aux yeux de Mr Ekwè pouvait-elle entrer en fédération dont elle était manifestement la plus bénéficiaire avec les Basaa-Bakoko au point où même lorsque l’administration allemande voulut mettre un terme à ces privilèges, les premiers à s’y opposer furent les Bakoko et Basaa ?
L’histoire est comme un iceberg. Ne jamais apprécier son importance par sa seule partie immergée.
Le soubassement de l’argumentaire de Mr Ekwe qui préconise une influence totale et unilatérale des Basaa sur les berges du Wouri ne résiste pas à la moindre critique.
Aucune preuve objective n’est présentée pour convaincre ni l’origine Basaa du groupe Douala (stricto ou lato sensu), ni l’origine Basaa du nom du groupe Douala, ni l’origine Basaa du nom Sawa, découlant de la suprématie des Basaa (stricto et lato sensu) sur les berges du Wouri.
Ce n’est pas parce que l’un des enfants mâles Bonambella, confié aux Ndogkeng/Ndogbisso-Basaa (pour ne pas dire Bakoko-Basaa) par un jeu d’alliance matrimoniale, est fondateur d’un lignage majeur sur 3 des Bonambella, les Bonakou en l’occurrence, qui fait de ce lignage en particulier, les Bonambella et les Douala en général des Ndogkeng/Ndogbisso-Basaa.
Comme Il est également difficile d’admettre, à la suite d’une ethnonymie et une étymologie sommaires qui ressemble à s’y méprendre à de simples proclamations qu’au résultat d’études, que le nom du groupe Douala et du nom Sawa sont d’origine Basaa.
On a vu comment Nku le tambour est devenu Kul la tortue qui elle-même est traduite « tongo » en Douala, puis corrompu en Kouo qui veut dire tombé (en Basaa ?) ou Bek, devient plus loin Sem qui signifie donné, comme Mapota.
J’avoue ne rien comprendre de cet imbroglio, sinon qu’il tourne toujours à la conclusion d’un patronyme Basaa.
Je m’interdis donc, par honnêteté intellectuelle, de conclure à la mystification et manipulation. Je ne peux qu’avoir une sérieuse réserve et d’être suspicieux sur la thèse préconisant l’origine Basaa des noms Douala et Sawa.
Ce d’autant plus que sieur Ekwè a l’art de balayer d’un revers de la main toute version antérieure pour présenter sa vérité qui n’est ni point de vue, ni hypothèse. Aussi est-il coutumier de lire des expressions du terme : « Généralement, il est admis que….. Bien que nous contestons… il ne reste pas moins vrai que… » ; « Contrairement à la pensée commune, seuls les Basaa … » ; « il est clair que, bien que… » ; « il importe de dire que… » ; etc.
Pour ce qui est par contre de l’origine Basaa du Ngondo, au-delà de la polémique sur la date et les acteurs, il est intéressant d’examiner comment les hypothèses antérieures sont balayées une fois de plus d’un revers de main par Mr Ekwe pour administrer sa version abstraite.
A commencer par les significations étymologiques du mot Ngondo dans les deux courants de pensée, puis scruter certains marqueurs historiques susceptibles d’asseoir la crédibilité ou non de la version Ekwè ou d’en exposer les limites.
Le mot Ngondo prend des significations étymologiques suivantes dont il dériverait selon les hypothèses des Douala :
- ngondi ou cordon ombilical reliant l’enfant à la mère;
- ngond’a mutodi ou bout de nombril;
- ngond’a mukoko ou banc de sable (sur la rivière Bessekè elle-même ayant été appelée Ngondo, où Mapoka avait l’habitude de réunir Basaa, Bakoko et Douala à son retour de Hollande et où les réunions du ngondo se tenaient);
- ngonda qui signifie marcher à quatre pattes;
- ngondè ou lune.
Il y a lieu d’ajouter que le mot ngondo a une autre signification en Douala (emprunt du (ou au) Bakoko ?), qui est protubérance, affleurement (selon ma compréhension). Ainsi désigne t-on le fessier par le mot ngondo.
Est-ce aussi l’origine du terme ngond’a mutodi (bout de nombril) et ngond’a mukoko pour désigner le bout (banc) de sable qui émerge de l’eau ? Monsieur Ekwè fait ici une erreur en traduisant le terme en « ngondo du tronc d’arbre », puisque « mukoko », d’un ton différent de « sable », signifie aussi tronc. Il n’a pas fait attention à cette polysémie. On peut aussi ajouter que Ngondo peut aussi signifier arachide.
Dans la brochure du projet de réalisation du complexe culturel du siège du Ngondo à Douala, il est écrit que sur le site du Ngondo d’hier et aujourd’hui « coulait naguère une rivière dénommée « ngondo » et plus tard la Bessékè. Au milieu de la rivière, un banc de sable émergé en marée basse servait périodiquement de lieu de rencontre pour débattre et arrêter des décisions sur des problèmes communs aux sawa. Cet ilot est aussi appelé Ngondo (traduction du mot sable en langue Bakoko) ».
A ma connaissance, ngondo ne signifie pas sable en Bakoko. Toutefois, le mot ilot signifie « ekondo » en Bakoko. Aurait-il été corrompu en ngondo ? Les linguistes ont du pain sur la planche.
Il est de la technique de Mr Ekwè de prendre pour indice un mot Douala ou Bakoko, le traduire en Basaa ou donner une fausse traduction du Basaa au Douala (comme Kul en tongo), ou alors se tromper d’une signification Douala pour développer, autour dudit indice, une théorie qui devient vérité d’évangile. Ainsi, le « ngondo » du tronc d’arbre va être rapproché au « tronc d’arbre qui déposa le groupe Basaa à Missègè […] tronc d’arbre [autour duquel les] Basaa tinrent leur tout premier conseil ». Il fallait trouver un lien, et le terme « tronc d’arbre» est préféré à « banc de sable » pour faire référence au Ngondo.
Ainsi de tous ces termes Douala, Mr Ekwè trouve qu’aucun ne peut avoir inspiré le nom de l’institution « Ngondo » qui réunit plusieurs familles, clans et groupes, pour traiter des affaires communes.
Il les trouve vraisemblables mais subjectifs.
Alors il sort le sien de son chapeau magique habituel. « Ngondong, Kondong » qui signifie « dur, ferme, solide, implacable, difficile, long, effilé, … élancé, grand de taille… insondable ». Puis il amorce la descente avec l’expression « ndong nkwel » signifiant l’exposition des faits par les parties lors des jugements dans la tradition Basaa. Pour chuter en revenant au mot « ngondong » entendu comme « une histoire sans solution ou difficile à solutionner donc la résolution impose une assise ». Il ne reste plus qu’à sacraliser. « Comme cela est désormais établi dans cette recherche autour du terme « ngondong », tout doute ou hésitation s’estompe pour laisser éclore et exposer la seule et unique vérité que véhicule la véracité des faits de l’histoire, au double plan sociologique et linguistique : « ngondong » est une institution Basaa, par la communauté concernée mise en place et entretenue bien avant l’arrivée des autres groupes sur les berges du Mbendè. Il tenait lieu d’arbre à palabre pour traiter en dernier ressort des dossiers complexes en rapport avec la vie de l’ensemble de ce maillon de la tribu Basaa par la force des choses installée sur les berges du Mbendè, le Wouri actuel ». (é) Ekwè M.R.
Quelle société ou groupe n’a pas la tradition d’arbre à palabre, réel ou virtuel dans le sens rassemblement du terme ?
Qui peut renier ceci aux Basaa sur les berges du Wouri ou ailleurs ?
S’il s’agissait de dire que le « Ngondo » doit tout son essence, prestige, sa structuration, son organisation, sa notoriété, son esprit et sa lettre au « ngondong », on attendrait plus de Mr Ekwe en matière de références et de marqueurs. Qui plus est, une pareille institution n’est pas un monument que les occupants peuvent se contenter de contempler ou d’entretenir comme les arabes entretiennent les pyramides, voire faire une pâle reproduction.
C’est une institution dont les légitimes propriétaires, détenteur de son esprit devraient porter en eux et avec eux de façon à la reproduire en partie ou en totalité dans le temps et dans leur nouvel espace. Etant partie prenante du Ngondo, on se serait attendu, comme détenteur de son esprit, qu’il nous soit décrit les hauts faits des Basaa et la symbolique découlant ou inspirée du « Ngondong i Saa».
Il devrait bien y en avoir, si tant est que le Ngondo est d'inspiration Ngondong.
Des empreintes indélébiles sur et autour du Ngondo, dans l’espace et le temps dans lesquels a été façonné l’identité culturelle du peuple Sawa.
Faisant de nouveau appel aux Bakoko, ils n’ont pas souvenance d’une quelconque cérémonie du genre « ngondong » à laquelle ils n’auraient pas été indifférents, même à titre de spectateurs, au « lieu dit ngondo », à partir duquel ils étaient installés, n’en déplaise à Mr Ekwè.
Mais ils ont souvenance du tribunal d’équité, l’un des organes précurseurs du Ngondo, au point d’en avoir reproduit dans leur nouvel environnement, sous le nom « Eyang ». Ce conseil-tribunal tenait ses réunions la nuit au grand secret dans la forêt de Yamidjang ou Milandè. Y prenaient part les Chefs des différents groupes, notables, les Patriarches (Bapèèpè), les formateurs du Njee (société secrète) et ses membres (Banjenjee). La paix était sa raison d’être, on y rendait justice, traitait des problèmes du pays.
L’Eyang pouvait condamner à mort (violente par noyade ou décapitation ou mort lente). Comme symbolique, les empreintes des Bakoko sur le Ngondo s’illustrent à travers l’exploit de leur frère de Bakoko-Yansoki, Ngominga qui terrassa le colosse Malobè dans leur territoire Njouki (Bakoko-Yapekè), au cours d’un combat épique qui constitue un des jalons du Ngondo, à défaut d’en être l’origine comme d’aucuns pensent. Au-delà de l’exploit d’un individu, il s’est agit d’une communion de forces de son Canton qui l’a mystiquement préparé, et de la bénédiction des Sawa.
Si le lieu de cette épopée est un concours de circonstance, le recours ou la confiance faite à un fils Bakoko et à sa communauté pour cette mission hautement stratégique ne tient-il pas de la reconnaissance de la compétence de la prêtrise de la terre concomitamment dévolue aux Bakoko et Basaa et qui découle de leur place de premiers occupants ?
Est-ce un hasard si le site d’immersion du vase sacré était le lieu dit Tondo ou Tonda Jebalè, dans un tourbillon au confluent de trois bras du Wouri dont deux viennent du Canton Bakoko Yabyang-Yapekè et le troisième de Bonendalè/Bakoko ?
N’ya t-il pas lieu d’approfondir le récit du patriarche Mbinde Dibongue, selon lequel « chaque année, lors de leur fête traditionnelle du ngondo, les Duala vont à Punden à Yafinde (chez les Bakoko-Yapeke) chercher l’eau qui doit contenir le vase rituel » (C. Buhan et E. Kange) afin d’en savoir plus?
Ce qui est vrai est que Tondo Jebalè n’est pas loin du lieu indiqué. Est-ce fortuit le fait que les Bakoko Yabiang-Yapeke soient les gardiens de ce qui est considéré comme le plus grand sanctuaire mystico-religeux des peuples Sawa, « Etia Bosamba » ?
Les Bakoko-Yabyang-Yapekè exercent là, en plus de la prêtrise de la terre, la prêtrise de l’eau qu’ils partagent avec les Douala qui se manifeste à travers le culte du Jengu ou Bisima.
Pourquoi était-il dit que « s’ils désirent prier, les Duala vont chercher les spécialistes de la prière dans le littoral, les Bakoko » C. Buhan et E ; Kange) ?
Il n’ y a pas jusqu’à la prêtrise du feu qui fut reconnue aux Bakoko.
Comme l’atteste ce rite de réconciliation entre toutes les populations Sawa à Tumbè chez les Bakoko-Yabian, où un esclave fut offert en sacrifice et dont chacun des représentants « emporta une part des cendres après avoir bu l’autre mélangée au vin de raphia. Ce fut le dernier sacrifice accompli en public dans la région, trente ans après le premier contrat anglo-douala concernant la suppression des sacrifices humains ». (C. Buhan et E. Kange).
Voilà des exemples de symboliques qui ne doivent pas manquer dans la contribution des Basaa dans le vécu et l’histoire commune, et qui parleraient mieux que de simples déclarations.
Ces symboliques méritent d’être fouillées et mises en exergue pour l’enrichissement de notre histoire.
Nul que Mr Ekwe et son équipe sont mieux placés pour le faire selon la méthode scientifique de l’anthropo-historien-objet, le Mulongi, que nous a léguée notre illustre aîné et père Dika Akwa nya Bonambella.
Cette méthode qui veut que celui qui vit sa réalité en devienne lui-même l’objet étudié, susceptible de mieux « expulser son vécu pour l’objectiver et l’analyser sans céder au lyrisme ».
Si dans sa narration de l’histoire des berges du Wouri, Mr Ekwe était accusé d’avoir cédé au lyrisme, c’est qu’il se serait livré dans cette activité sur fond de ressentiment et d’amertume, et il ne s’en est pas caché.
Et pour cause, « un seul groupe profite de toutes les retombées de la position privilégiée que cette ville occupe dans le triangle national ». Situation qui détériore le climat social, en mettant face à face deux camps dans une sorte de guerre des tranchées avec d’un côté ceux qui sont « aveuglés par les intérêts égoïstes », et de l’autre « ceux qui n’attendent que le moment propice pour la confrontation ».
Pas moins.
Dans la forme, cette protestation est questionnable, si pas condamnable. Mais le fond est justifié et justifiable.
Ce fond du problème qui se résume en abus de position dominante ou privilégiée nous ramène sur ses causes lointaines qui ont justement été édulcorées par Mr Ekwè pour les besoins de sa cause.
Il apparaît en effet paradoxal qu’un pareil réquisitoire soit fait à l’encontre d’un groupe qui est déclaré insignifiant, qui a perdu son identité pour se fondre dans un autre, qui est censé ne plus exister. Ou bien les Douala sont les Basaa, et de quoi se plaint-on ?
Ou ils ne le sont pas, alors il y a lieu de les interpeller en tant que tel.
Les ancêtres des Basaa et Bakoko ont a minima commis une erreur d’appréciation en laissant de gré ou de faiblesse au troisième occupant l’espace stratégique des abords du Wouri.
Le résultat a été le même, les Duala ayant profité de cette position privilégiée pour asseoir leur influence et exercer leur nature de « peuple de commerçants » monopolistes.
L’exclusivité de relations commerciales avec les Européens leur conférera une assise matérielle et financière qui accroîtra leur prestige et notoriété. Ils seront les premiers et plus nombreux à étudier en dehors et à l’intérieur du pays, ce qui leur assurera une plus grande élite commerciale, industrielle et politique.
Leur langue s’étant imposée comme langue commerciale et véhiculaire à travers la religion, leur nom sera attaché aux manifestations extérieures de la richesse culturelle commune et leur image bénéficiera voire usurpera des éclats culturels des autres groupes. Ils tireront à titre principal les dividendes moraux et pécuniaires de la contribution des autres composantes de l’aire culturelle Douala.
Andreas Kwa Mbangue, un Bakoko, fut l’un des premiers traducteurs des textes liturgiques en Douala.
Un autre, Epata, relégué aux oubliettes, est l’un des tout premiers précurseurs et pionniers du Makossa, comme son cadet Basaa Mbondi Kollo Sadrack et d’autres.
Ebanda Nsame II de Yabea a été un grand vulgarisateur de la langue et la culture Douala à Radio Douala.
Sur le plan religieux qui a largement contribué à cette « colonisation » linguistique et l’expansion de la culture dite Douala, les Pasteurs Joshua Dibundu Dibiè, un Bakoko et son fils Muntz Dibundu, Essobe John ont été les pionniers et chantres de la bonne nouvelle en Douala dans la région et à l’intérieur du pays.
Mais comme il est rare d’avoir la vertu de « monopoliste » sans avoir le vice d’égoïsme et d’égocentrisme qui lui est corollaire, non content que tout le prestige et privilège lui soient conférés par défaut, les Douala ont fait et continuent de faire preuve d’un mépris qui leur semble congénital, et d’une condescendance à la limite idiote vis-à-vis de ceux qui sont en leur sein et dont ils ont tété le sein, ils portent le sang, et avec lesquels ils s’essuient la sueur du labeur quotidien commun.
La discrimination -est-ce la traduction correcte de leur mot « ndando », « ndan » en Bakoko, quoi en Basaa ?- les emmène à célébrer le bourreau et ignorer voire honnir le héros s’il n’est pas des leurs.
Ainsi, toute proportion gardée peut-on analyser l’inscription du Pasteur Adolf Lotin’a Same (sans minimiser sa grande œuvre et personnalité) au panthéon du nationalisme Sawa ou camerounais, alors qu’avant d’être un résistant aux Français, il fut un « collabo » des Allemands au moment où le Pasteur Joshua Dibundu qui est relégué au cimetière des ouvriers méconnus leur opposait une farouche résistance.
Quant à ce qu’ils appellent « itaba, bikom en Bakoko ? », les Douala n’en sont peut-être pas champions. Les Bakoko le portent non comme un habit, une peau. Les Basaa parleront pour eux-mêmes.
Il n’est pas jusqu’au Ngondo, creuset de l’unité d’esprit et de cœur des peuples, qui n’ait échappé ou soit utilisé pour manifester cet ostracisme et népotisme. Même dans ce qu’il a de plus profond comme le cercle des Patriarches « Beyoun ba Bato », la cooptation semble être faite au faciès du « Bonaceci ».
Alors que des possesseurs de charisme et bibliothèques vivantes des autres communautés sont ignorés. Faut-il s’étonner que les paroles produisent de moins en moins d’effets ?
Point n’est besoin de parler de la représentation politico-administrative qui est une chasse gardée. Le jour où un Yadimbam postulera à être Délégué du Gouvernement, que dis-je Maire de Douala 1er, s’il ne lui est pas rappelé à Akwa Nord qu’il est Bakoko, le screening au niveau des Bonambella risque de le laisser sans plume.
Comme j’ai entendu un jeune se plaindre à la télévision qu’un Ewodi soit Maire de Douala 1er. Même entre eux ? Quoi de surprenant si l’esprit de rivalité fraternelle semble leur être atavique depuis que nos ancêtres ont bradé leur souveraineté aux Européens à cause de l’incapacité de chacun des frères à mettre un peu d’eau dans son égo.
Mon arrière Grand-père Moundoumbou Edjangue alias Looking Glass signa ce traité Germano-Douala comme témoin, le Chef Supérieur Bakoko Yabiang-Yapekè Toto Njeh aussi. Charge à Mr Ekwe de dire qui de son côté l’a fait, ou mieux, a été du même avis que Le chef Koum’a Mbappe alias Lock Priso.
Le destin du Cameroun aurait été scellé autrement.
Monsieur Ekwe a donc parfaitement raison de se plaindre, mais quant à évoquer le repli identitaire comme solution ou de menacer de confrontation, en tant qu’ainé d’au moins une classe d’âge, je me permets de lui faire la leçon ou tout au moins lui prodiguer un conseil. Selon la philosophie qui se dégage de notre culture séculaire, exprimée en notre langue commune.
Celle qui dit « Mutud’a moto ebongo’a matutu»[10] . Charge à lui de me prouver que « Tetè a buki mba jinda la Loba, mba pè na buki mo o jènè la mambo »[11].
Repli identitaire est un terme un peu réducteur, qui traduit une régression ou un constat d’échec. Un plus grand rapprochement avec nos frères Bassa de l’intérieur ne saurait donc être pris pour un repli, mais un retour aux sources. Il y a nuance à mon humble avis entre ces deux termes.
Qui plus est, le rapprochement ou la réintégration dans une communauté à laquelle on appartient naturellement ne doit pas se faire par dépit.
L’appartenance à un peuple racial n’est pas antinomique à l’enracinement à un peuple résidentiel. Notre sagesse nous l’apprend encore, « Tambu a si ma ya, dibè nde a ma yè »[12], adage balancé par un autre: « Kolongonè a buki eyabè »[13].
C’est notre richesse à nous et notre avantage d’appartenir à deux grandes aires culturelles. Quant aux relations entre les hommes et les communautés, elles obéissent à la théorie du Darwinisme social, qui préconise une concurrence perpétuelle entre les entités en présence, les « grands » cherchant toujours à absorber les « petits ».
En conséquence, Il est possible de fuir le caïman dans l’eau et retrouver la panthère sur terre.
La communauté Mpoo, qui a le malheur d’être minoritaire dans toutes les aires culturelles où elle est représentée, en sait quelque chose. Elle se sent autant à l’étroit dans l’aire culturelle Bassa qu'elle a impacté par quelques symboles et dont elle a aussi contribué un tant soi peu à asseoir la notoriété. Il n’y a en effet pas longtemps que la langue Bakoko était la langue rituelle du Njee Baboko et Basaa, et du Mbog.
La contribution de fils de certains Clans Mpoo qui ont le Basa pour langue courante n’est pas du reste.
Qui peut nier le rôle de Aladin Jean Bikoko, digne fils Mpoo « Bassaphone » dans la popularité de l’Assiko ?
Plusieurs illustres familles et personnalités à l’image de la famille Mbock avec le Patriarche Mongo Mbock, grand contributeur de la rénovation de l’Assemblée des Mpoo et son célèbre frère le Ministre Félix Tonye Mbok ne passent-ils pas dans l’opinion comme des Bassa ? La grande famille Sende ?
Ils sont légion.
Même Roger Milla n’est-il pas pris soit pour Bassa, soit pour Douala ?
Il n’est pas jusqu’à Simon Mpeke alias Baba Simon qui soit considéré comme un Kirdi. J’en sais quelque chose pour avoir eu à répondre dans les bureaux cossus de Yaoundé, à la question « qu’est ce que les Mpoo cherchent derrière Baba Simon ?". Je dispatchais alors les invitations à la conférence qu’on avait organisée à son honneur en 2008 au Centre Jean XXIII de Mvolyé. Combien de camerounais savent que Edea est la ville des Bakoko ?
En refusant que la bible soit traduite dans leur langue, les ancêtres des Bakoko qui ont accueilli les missionnaires ne croyaient pas à l’effet boomerang qui se traduira par la « colonisation » linguistique des leurs par le Basa et le Douala.
Dans les rapports quotidiens, la cohabitation avec la communauté Bassa n’a toujours pas été des plus harmonieuses, à cause de soupçons ou de velléités d’hégémonie.
La vie socio-politique dans la ville d’Edea en est un baromètre.
Les tensions entre les deux communautés culminèrent au point de faire disloquer, dans les années 40, l’Amicale de la Sanaga Maritime (ASM) qui les regroupait. Les Mpoo se réorganisèrent autour de l’Assemblée Coutumière et Traditionnelle des Elog Mpoo (ACTEM) qui avait l’avantage d’être inclusive des autres clans installés en dehors de la « Grande Sanaga Maritime » et avec qui ils sont liés par le sang et non par le sol.
Le regroupement des Bassa, (Mpoo) et Bati dénommé Mbog Liaa qui semble avoir suppléé à l’ASM ne rencontre pas l’assentiment officielle des Mpoo par sa voie la plus autorisée. L’affiliation est laissée à la liberté de chaque individu.
On lui prête d’avoir en toile de fond la revendication politique de la reconstitution de la défunte «région de la Grande Sanaga Maritime », comprenant la Sanaga Maritime actuelle et le Nyong et Kéllé. Excluant ipso facto les Basaa et Mpoo des autres départements dont le Wouri, le Moungo, le Nkam et l’Océan.
Je m’en suis rendu compte à travers la carte imprimée sur son pagne. Malgré le fait de m’y sentir exclu, j’ai voulu entreprendre, officiant comme patron de l’administration de l’ACTEM, une synergie avec le Mbog Liaa au nom de ceux des fils Mpoo qui sont supposés concernés. C’est à ce moment que je pris connaissance de la position de l’ACTEM que j’ai respecté, non sans être déçu par ce cloisonnement entretenu beaucoup plus par l’élite que les peuples.
Tant mieux si le Mbog Liaa a songé inclure les Bassa du Wouri et d’autres ces derniers temps. Et pourquoi eux seulement ? Il est toutefois dommage qu’ils se servent, comme teasing dans ses pages facebook, de l’image de Mr Ekwe et de ses théories en prélude à son festival à Douala.
Non seulement cela la discréditerait auprès de l’opinion au faite de l’histoire de la ville de Douala, mais cela finira par convaincre ceux qui le soupçonnent d’être un instrument au service des Bassa pour asseoir leur « hégémonie » sur les autres qui seraient relégués au rôle de faire-valoir.
Comme disent les Anglo-Saxons, « they would have done without that publicity”.
Publicité mensongère non pas seulement parce que Mr Ekwe a omis et déformé les faits et les effets de la configuration des berges du Wouri, mais aussi et surtout parce qu’il aurait dû présenter le résultat de ses recherches comme ses hypothèses, à la limite sa vérité, au lieu de les faire passer pour vérité absolue.
Je me garde en conséquence de dire que le nom Sawa et le Ngondo sont d’origine Basaa, car l’histoire des peuples qui se base beaucoup plus sur l’oralité est appelée à évoluer jusqu’à l’avènement de preuves irréfutables.
Elle est donc pendant un temps ou pour longtemps une vérité relative et non absolue. L’avenir pourra donner raison à Mr Ekwe, mais rien, absolument rien, en l’état actuel des connaissances ne peut valider ses arguments « beyond any reasonable doubt ».
Ekott’ Eboa’ Eyoum e Mabongue mi Ngolo e Nkongo e Ngonang e Suka‘ Biangue bi Nsoo bi Mban Nge Nanga Nanga (XIIè s. à Ngog Lituba) Mbounimbi Ndogpa Touwa Mbang Ongie Kissu Mboge (IXè s au bassin Lac Tchad) Nwii Nson Bili dikoume Bidou Dikan Moukiki Yemi Dikoukame Madissa Soundahe Biri Matouwe Massoukie Kabalaka Metoue Madissou Mbem (IIIè s à l’arrivée au bassin du Lac Tchad) Soye Bila Malangue Diwoudou Souga Misso Dale Yananga Kale Boussi Moussakala Mamba Dala Mandanda Iwesse (IIIè S av J.C en Egypte).
[1] (C. Buhan, E. kange Ewane, 1986 La mystique du corps: les Yabian et les Yapeke de Dibombari au sud-Cameroun, L’Harmattan).
[2] J. Bouchaud La côte du Cameroun dans l’histoire et la cartographie, des origines à l’annexion allemande cité par C. Buhan et E. Kange,
[3] Les parenthèses sont de moi, tirées d’un autre paragraphe du livre de C Buhan et E. Kange.
[4] Source : Plaquette de l’installation officielle de SM F.J. Ekwalla Essaka Ekwalla.
[5] Dika akwa, 1982 les problèmes de l’anthropologie et de l’histoire africaines Editions CLE.
[6] Cosme Dikoume[6] Etude concrète d’une société traditionnelle, les Elog-Mpoo
[7] Y. Nicol La tribu des Bakoko ; étude monographique d’économie coloniale. Un stade de l’évolution d’une tribu noire au Cameroun
[8] NB : les noms entre parenthèse et sans précision sont ceux de la version Ekwè.
[9] Bouchaud, Histoire et Géographie du Cameroun sous mandat français, in C. Buhan et E. Kange
[10] Le vieux a une expérience de la vie que le jeune n’a pas.
[11] Un enfant peut avoir vécu plus de choses que son père.
[12] Le lien de sang prime sut tout.
[13] Un ami peut faire pour son ami ce qu’un parent ne pourrait pas faire pour lui.