Mon Opinion sur le problème anglophone
Mon opinion sur le Problème Anglophone : Vrai-faux problème et faux-Vrai problème
Le problème anglophone compris comme problème des compatriotes de l’ancien territoire Camerounais sous tutelle Britannique, qu’on n’aurait jamais dû occulter, est revenu à l’avant-scène de l’opinion publique.
Vrai problème dans son essence (ce qui fait qu’une chose est ce qu’elle est, ce qui constitue la nature d’une chose), aussi vrai qu’un avis contraire traduirait d’une myopie et surdité criminelles.
Refuser de le voir, de l’entendre ou le relativiser n’en fait pas moins un.
Faux problème à mon avis pour ce qui est de son caractère ou aspect « carburant », ces envolées lyriques, hilarantes, cette surenchère et ces justifications qui enflamment les revendications des plus extrémistes sur fond de juridisme plus ou moins débridé.
Quelle est donc la nature du problème anglophone et quels en sont les vérités, les contre-vérités et les contrariétés?
Le problème anglophone peut se résumer en un mot, MARGINALISATION.
Dès l’origine, hors et en dehors du Cameroun, à nos jours.
Le problème anglophone et sa problématique sont consubstantiels à l’histoire du Cameroun. S’arc-bouter sur un jalon intermédiaire pour sa compréhension et la recherche de solutions est synonyme de diagnostic et traitement des symptômes et signes du tronc ou des feuilles en ignorant les causes dans les semences et les racines de l’arbre.
It’s a "soil/seed borne" problem before being an "airborne".
Ses causes sont donc lointaines, profondes, ses manifestations de surface et non superficielles, avec des effets de toxicité chronique ou insidieux sur les concernés, et des effets aigus sur le pays et tous ses citoyens.
En effet:
- si le Cameroun n’avait pas été un protectorat Allemand,
- si l’Allemagne n’avait pas perdu la guerre à la suite de laquelle ses possessions seront rétrocédées à d’autres colonisateurs,
- si la Société des nations n’avait saucissonné le territoire du Kamerun en confiant une partie à la France et l’autre à la Grande Bretagne,
le problème anglophone n’aurait jamais existé au Cameroun.
Le Cameroun lui-même en tant que tel aurait-il existé ? Serait-on en droit de se demander, car « fabrication » des Allemands; mais ne nous perdons pas en conjectures.
Il aurait existé d’une façon ou d’une autre, il était en train de se faire à partir de ses embryons appelés « Vieux Cameroun » et "Fombina" dont la colonisation a justement arrêté le développement.
L'histoire du Cameroun s’est accélérée et s’est compliquée. En une quarantaine d’années, le Cameroun ajoutera ainsi à son(ses) identité(s) culturelle(s) deux cultures francophones (latine) et anglo-saxonne, dont deux caractéristiques distinctes sont à la base (ou servent de prétexte) des remous actuels dans les régions du Nord-ouest et du Sud-Ouest, à savoir le système judiciaire avec d’un côté le droit civil et de l’autre la common law, et le système scolaire d’autre part.
Sur fond de la problématique fondamentale de gouvernance centralisée (direct) et plus libéral (indirect) caractérisant chacune des parties en présence.
Le problème anglophone (comme d’autres problèmes camerounais) trouve ainsi sa source profonde et lointaine dans la nature de la société camerounaise, une société plurielle, de juxtaposition de composantes et de références ethnico-tribales, une société déjà confrontée à « la structuration en tant que totalité [dans lequel s’est ajouté, du fait du colonialisme], le problème de l’injection des modèles culturels et des systèmes idéologiques dominants de référence ».
Le problème anglophone et les autres problèmes camerounais remontent en surface à cause de notre incapacité à « penser le réel et le devenir social », « d’inventer notre avenir » sur la base de « valeurs essentielles de Liberté, de Créativité, de Raison comme valeurs normatives, du point de vue du développement des individus autant que du point de vue de l’organisation de la totalité sociale nationale » (Pr Pius Ondoua O).
Nous avons surtout laissé libre cours aux « valeurs conjoncturelles dominantes, reflets de l’aliénation culturelle » dont la « modélisation extravertie ou modèles de penser et d’exister en vigueur dans l’occident dont nous ne sommes que des excroissances ».
Ces modèles qui nous ont transmis la « démocratie du chiffre » ou à « la bazooka », la politique comme « art de vaincre sans avoir raison », jeu de tromperies.
Entre les deux cultures qui se sont imposées à nos parents, la préférence aurait dû aller vers celle qui est la plus apte à traduire nos aspirations et d’être le vecteur de notre développement, à mon humble avis le système anglo-saxon dont se réfère à plusieurs égards le système francophone.
L’anglais est la langue de la technologie, elle est plus parlée dans le monde.
Nos parents ne nous ont-ils pas condamnés d’être des citoyens de troisième zone (cf aussi le franc cfa), emportant avec nous nos concitoyens anglophones selon ce « slogan qui, dit-on au Cameroun méridional, circulerait parmi les Francophones: ʺLe premier Octobre [sic] on va saisir le Cameroun du Sudʺ » ?
Les contingences du moment ne leur permettaient peut-être pas, à nos parents, de faire autrement. Mais au lieu de faire preuve de vision en mettant en place une courageuse politique de bilinguisme qui aurait réduit plus d’une frontière immatérielle et matérielle ou a minima choisir dans chacun des systèmes les valeurs les plus pertinentes, les dirigeants du Cameroun Oriental se sont plutôt appuyés sur la démographie et la géographie.
Ils ont profité de la géostratégie du moment qui leur était favorable, le statut et les faiblesses du partenaire et se sont focalisés sur leur intérêts politiciens immédiats pour mettre en place les institutions et les pratiques qui allaient inévitablement conduire à la dilution du système anglo-saxon et à la marginalisation de la minorité anglophone.
« Bouffer” le Cameroun du Sud. The dream came true.
Et pourtant, une immersion dans la tradition et l’histoire africaine nous fera savoir que les grands ne « bouffaient » pas nécessairement les petits, certains royaumes s’associant à d’autres apparentés sans chercher à les détruire.
Ainsi s’était constitué le Vieux Cameroun où côte à côte, les Ngala/Douala, les Bakoko, les Bassa, les Grassfields, les Bamoun, les Beti-Bulu-Fang, etc., dont le liant était une origine commune plus ou moins lointaine et le lien principal était le commerce dans une sorte de fédéralisme qui ne disait pas son nom.
Une « société globale homogène, territorialisée, et en voie d’organisation » dans laquelle la gouvernance était exercée à travers les confréries qui régissaient les rapports sociaux, administratifs, politiques et de police.
Le Cameroun n’a donc pas commencé en 1884 ou en 1919. Ni à la suite de Berlin, ni de Versailles.
Un plongeon dans l’histoire contemporaine du Cameroun, malgré que nous ayons en aversion notre passé précolonial, nous fera voir que les rapports des populations du Cameroun -ou ceux qui se sont engagés au nom de tous à leur corps défendant- avec le pays de la Reine d’Angleterre auront été plus profonds voire affectueux.
Les premiers accords seront signés avec lui, ses sujets ont joué un rôle de premier plan dans la marche (avant ou arrière c’est selon) de la proto-nation, au point où sa langue soit celle qui en aura prêté le plus au vocabulaire des gens de la côte, dont les dignitaires procéderont jusqu’à l’anglicisation de leurs noms ou en prendront des surnoms.
N’eut été le retard du « Too late Consul » !
Pourquoi ces ancêtres avaient-ils préféré les anglo-saxons parmi tant de courtisans colonialistes ?
La solution Allemande était un pis-aller.
La française n’était même pas envisageable, même s'ils rodaient et avaient approché certains Chefs dans l'actuel département de l'Ocean avec lesquels ils avaient signé certains accords.
Avaient-ils été plus clairvoyants que leur descendance ?
Au demeurant, pourquoi s’accrocher outre mesure sur ces erreurs ou accidents de l’histoire si tant est que certains veulent encore se référer au critère linguistique et voudraient en faire un monopole?
Sauf à faire l’apologie du colonialisme.
Le Cameroun n’a pas pris naissance en 1960, 1961, 1972 ou 1984.
La marginalisation de nos compatriotes, nous le disions tantôt, a commencée avec le Nigeria -ce qui a justifié la volonté de la majorité des Elites du Southern Cameroons de s’en émanciper et de préconiser le retour à la « mère-patrie, motherland ».
Cette marginalisation s’est poursuivie avec la Grande Bretagne au moment crucial de la réunification, « marginalisation volontaire de Londres dans les négociations pour la réunification » comme l’a qualifiée George Thomson.
Toutefois, au-delà de la question linguistique et par-dessus la question politique, c’est l’état d’esprit qui pose problème dans la marginalisation depuis la réunification.
Les francophones étaient en droit de considérer leur territoire comme la matrice dans laquelle le territoire du Southern Camaroons devait se réinsérer, mais ont eu tort de prendre le système anglo-saxon comme un wagon qui devait venir à la traîne de leur locomotive.
Tout est d’abord pensé et conçu français et en français avant de songer faire la « faveur » à l’anglais.
Passe encore si cela marchait parfaitement.
Les exemples sont légion, mais je me contenterai d’en évoquer les plus banals pour montrer jusqu’où le venin est inoculé dans le sang.
Au milieu des années 80, alors que les solutions à la crise étaient scrutées, il a été envisagé de passer au système de travail dit « one shift » (journée continue), qui était plus répandu dans les pays anglo-saxons. Comme d’habitude, tout ce qui fait référence à ce système est toujours « overlooked », et un Ministre dira même que si cela est, « de quoi vivront les taximen ?». Combien en sont morts depuis ? Où en est-on ? Combien d’économies de toute sorte aurait-on pu faire si on avait pas traîné ?
De même, lorsque les enseignants anglophones luttaient pour faire adopter le GCE Board, ce fut une fin de non recevoir, et une condamnation quasi unanime des francophones. Ces derniers seront, si mon souvenir est exact, bénéficiaires en premiers de l’Office du Bacc, le pendant du GCE Board.
Jamais sans ou avant nous !
Qui ne se souvient de la levée de boucliers des francophones lorsque la CTV avait commencé à diffuser la série Dallas en version originale anglaise, au point qu’elle soit changée pour la française? Les choses étaient revenues « à la normale ».
Si ce n’est considérer certains comme citoyens de seconde zone, dites moi ce que c’est.
Nombreux sont les francophones qui inscrivent leur enfants dans le système scolaire anglophone auquel ils trouvent certaines qualités et perspectives. Qu’on leur dise que le système anglo-saxon sera privilégié ou deviendra le seul système ou que le Cameroun suivra la voie du Rwanda, on verra le tollé jusqu’à l’inversion du rapport de force numérique qui placerait les francophones en pôle position. En ce moment, ce sera bon.
Les privilégiés envoient leurs enfants étudier en Grande Bretagne et aux Etats Unis pour se former dans un système qu'ils répriment au pays, profitant et abusant même des facilités de l'Etat.
Demain, advienne le fédéralisme à 2, 4 ou 10 Etats, on en verra qui lui trouveront toutes les vertus. Pourvu que ce n’ait pas été l’idée et la victoire des anglophones.
Quelle hypocrisie !
Quelle myopie!
Avant de pointer l’index vers le gouvernement qui n’est que le reflet de notre esprit, regardons où pointe le pouce.
On peut compléter ce tableau en citant Melanie Torrent selon laquelle « Pour les populations du nouvel état fédéré du Cameroun occidental, la fin de l’empire britannique correspond à une modification sensible de la vie quotidienne du pays selon les pratiques du Cameroun oriental: on conduit désormais à droite; le franc CFA remplace les monnaies britanniques et nigérianes; l’État est officiellement bilingue mais la domination des Francophones dans la vie administrative et politique du pays rend la maîtrise du français indispensable à la réussite politique, économique et sociale; une police armée et une gendarmerie jusqu’alors inconnue maintiennent une sécurité qui semble à beaucoup fort brutale ».
Que la conduite se fasse à gauche ou le CFA généralisé, ce sont des convenances à mes yeux acceptables.
Mais forcer les gens de passer de plus de liberté à la dictature, dans un Etat qu’ils considèrent de non droit, de se sentir citoyen de seconde zone, j’admets qu’il est difficile d’en avoir la mesure si on ne le vit ou si on ne peut faire l’effort d’être à la place de l’autre.
Et surtout si on n’est pas né, grandi ou vécu dans la culture de la liberté et de la dignité. Si on n’a pas le sens d’équité (sentiment naturel, spontané, du juste et de l’injuste), d’éthique (système de valeurs morales), d’égalité (au sens juridique du terme), d’équilibre (en tant qu’état d’esprit que état physique).
Comment donc ne pas comprendre l’expression de la révolte tant refoulée dans le corps et l’esprit de compatriotes qui ont ces frustrations comme héritage depuis le jour où ils naissent et qui leur sert d’épitaphe?
Comment ne pas comprendre cette révolte de l’individu écrasé qui en arrive jusqu’aux débordements ?
Car débordements, il y a.
Et c’est dans ce registre que nous entrevoyons le faux problème anglophone, celui qui touche à la forme de l’Etat sur fond de juridisme et de rhétorique qui voudraient justifier l’injustifiable.
En effet, le Cameroun en tant qu’"Etat" pour ne pas dire république commence en 1884 comme une entité territoriale, et non deux.
Il était Kamerun.
Ne serait-ce que sur cette base, les sécessionnistes n’auront aucun motif légitime ni légal à l’appui de leurs velléités.
Si La Guinée Equatoriale s’était unie au Cameroun comme on en a prêté l’intention à Macias Nguema, il serait en droit de réclamer légitimement son détachement.
Point n’est donc besoin de s’attarder outre mesure sur cette bestiale incongruité. Ni sur l’état d’esprit de ceux atteints par le syndrome de Stockholm qui s’estiment encore sous tutelle des Nations Unies et en attendent encore l’indépendance.
On serait même en droit d’opposer le même argument aux fédéralistes, afin d’ébranler leurs convictions s’ancrant sur le passé récent.
Après tout, ne dit-on pas que c’est le passé qui engendre le présent ? Et le passé est-il une notion arbitraire pour laquelle chacun est libre de se fixer une borne?
Pourquoi donc 1961 et non 1884 ou 1919?
Il est vrai que 1961 représente le carrefour à la jonction des déviations qu’on avait empruntées avant de retrouver à nouveau une route commune, à deux voies au départ. Soit !
Et pourquoi la fusion en une voie comme au début fait-il tant problème?
C’est dans l’ordre du normal et de la normalité.
Il y a donc risque de « deadlock » face aux puristes et « originalistes », si la boîte de pandore est ouverte.
Sur qu’elle base objective et juridique objectera-on à ceux qui réclameraient le retour à l’appellation originelle de Kamerun qui balaierait du revers de la main le procès juridico-intentionnel du retour à la République du Cameroun par la loi L84-001 du 4-2-1984 qui est l’un des arguments massus des soi-disant justiciers de la partie anglophone au premier rang desquels Mollah Njoh Litumbe et Gorji Dinka ?
C’est d’ailleurs le vœu que je formulais en secret lors du débat sur la constitution de 1996 à l’Assemblée nationale. Mais sans doute par peur de faire un « cadeau » à l’UPC -est-ce d’ailleurs leur propriété alors même que le nom de leur parti s’écrit en C ?-, nos dirigeants en arrivent par perdre le sens de la symbolique.
Du nom du pays, parlons-en du point de vue juridique sous le contrôle des juristes.
Il me semble, par simple bon sens que la constitution du pays est bilingue, les deux langues faisant foi. Sous cet angle, le Cameroun s’appelle aussi Republic of Cameroon, qui n’existait pas avant 1984, sauf par traduction qui ne confère pas un caractère institutionnel.
La République de Côte d’Ivoire n’est pas institutionnellement Republic of Ivory Coast.
Alors peut-on, doit-on faire le procès à Paul Biya d’avoir réinstauré la République du Cameroun d’avant octobre 1961 ? Les juristes et Politistes nous le diront.
Simple et pure rhétorique pour ceux qui veulent faire feu de tout bois, à mon humble avis.
S’il y a « La République », il y a aussi « The Republic ».
Passons à autre chose, sauf si l’anglais et le français sont nos langues vernaculaires.
A moins que ce nom soit traduit en toutes nos langues et insérées dans la constitution.
L’argumentation se structure beaucoup plus sérieusement dans le procès fait à Ahidjo de n’avoir pas, à l’issue de son référendum, soumis son projet de constitution à l’Assemble Nationale Fédérale.
Les juristes et politistes nous diront l’opportunité d’une pareille procédure et si elle pouvait porter à conséquence, car manifestement, elle ne devrait pas réexaminer la forme unitaire de l’Etat pour la réviser, le peuple souverain s’y étant prononcé par voie référendaire.
A moins de remettre en cause ledit référendum lui-même au prétexte que la constitution fédérale ne l’avait pas explicitement mentionnée.
C’est faute de l’avoir fait que les adeptes de « Ground Zero » pour ainsi qualifier ceux qui préconisent le retour à la situation d’avant Foumban au prétexte que le « coup d’état de Ahidjo a ramené le Cameroun « de Foumban à Zero », estiment que l’accord de Foumban dont dérive la constitution « de Foumban » a été abrogé, en conséquence la constitution elle-même.
La réthorique a ensuite évoluée pour se focaliser sur le premier paragraphe de l'article 47 de la constitution de 1961 prétendument violé par Ahidjo. A se demander si tous ceux qui utilisent cet argumentaire ont lu ledit article, et si oui, ont compris ce paragraphe tant dans son esprit que dans sa lettre, préférant lui donner leur interprétation.
Rappelons ledit paragraphe qui prête à équivoque: "Toute proposition de révision de la présente Constitution portant atteinte à l'unité et à l'intégrité de la Fédération est irrecevable".
Nombreux appréhendent le mot "Fédération" comme forme de l'Etat, que non. Fédération ici est synonyme de "pays". C'est à dire que toute proposition de révision de la constitution tendant à diviser le pays, retourner par exemple au statut ante 1961 est irrecevable. Donc plus de République du Cameroun, plus de Southern Cameroun mort en 1961 de sa belle mort.
La légitimité de la démarche sécessionniste voire même fédéraliste a voulu creuser plus profondément, dans le même registre d'affabulation.
Il y a en effet comme un amalgame qui traduit un raccourci juridique et une surenchère politique voire une malhonnêteté intellectuelle des concernés.
En effet, il ne me paraît juridiquement pas très correct et il serait historiquement archi-faux de placer « les deux Etats » au même palier institutionnel à la réunification.
Dire qu’ « en août 1961, la République du Cameroun a engagé des négociations avec le Cameroun du Sud pour réaliser l’union des deux Etats » (G. Dinka), ou que « selon cette Constitution [1961], les deux Etats ont sabordé leurs identités respectives et sont devenus les Etats fédérés de l'Union » est quelque peu incongru du point de vue du droit international en rapport avec la définition d’un Etat. Le Southern Cameroon était un territoire, avait une population, un « gouvernement », mais était-il apte à entrer en relation avec «les autres Etats ?».
Autres que l’Etat du Cameroun ?
Il y a lieu de nuancer. Car il nous semble que le Southern Cameroons avait un statut de "quasi-Etat", ou tout au moins un Etat non souverain, car ses capacités d’entrer en relation étaient encadrées et limitées au seul Etat de la République du Cameroun. Un retour à la case départ.
En effet, une indépendance séparée n’a pas été à l’ordre du jour et a été refusée, même « la possibilité d’une indépendance temporaire, qui permettrait au Cameroun méridional de négocier la réunification avec la République du Cameroun d’État souverain à État souverain » a été refusée au territoire du Southern Cameroons ».
Toutefois, il ne semble pas que ce fait ait influencé outre mesure les négociations entre les deux entités, négociations qui ont abouti aux "accords" de Foumban, qui conféreront au Southern Cameroons le statut d’Etat Fédéré par la Loi N° 61-LM-1 du 26 octobre 1961, 25 jours après la réunification, avec prise d’effet en cette date du premier octobre.
Le Président Ahidjo qui a promulgué cette constitution ainsi que la Constitution du 1er septembre 1961 instituant l’Etat Fédéral a sûrement usé et abusé de la position de force qu’il s’est forgée dans la République du Cameroun, appuyé par ses soutiens français, mais c’est cela aussi, malheureusement, la politique.
Tout comme après Foumban, il a fait évoluer le pays vers un Etat unitaire par un processus questionnable, mais dont la finalité était que le Cameroun, ayant retrouvé «en partie les frontières de la période allemande du grand Kamerun (1884-1916) », retrouve aussi sa forme étatique initiale.
Qui lui en voudrait pour cela ?
Par contre, la méthode usitée qui fait problème a fait dire à certains qu’il y avait anguille sous roche, le Cameroun pouvant encore avoir payé, une fois de plus le prix de la guerre d’Algérie.
La première avec la répression criminelle des nationalistes par la France afin d’exorciser la déconvenue algérienne et dissuader toute velléité d'indépendance "véritable", et la seconde à cause de la perte du pétrole algérien qui devait être compensée par l’exploitation de celui du Cameroun malheureusement difficile à manœuvrer avec la configuration du Cameroun de l’époque, les gisements se situant du côté anglophone.
Nombreux avaient en effet été surpris que Ahidjo fasse ce passage en force constitutionnel alors qu’il venait de vanter le fonctionnement de la Fédération.
Faut-il pour autant s’attarder sur les hoquets de l’histoire ?
Les tremblements de terre ont ceci de « bon » qu’ils tendent à « stabiliser » la croûte terrestre.
Aussi, prétendre que les accords de Foumban ont été abrogés par la violation de la constitution, c’est ramener le Cameroun au statu quo ante, c'est-à-dire un Etat et un quasi-Etat réunifié au premier, réunification ne signifiant pas elle-même une forme de l’Etat, car pouvant prendre une forme confédérale, fédérale ou unitaire par fusion.
Qu'en sera t-il pour d'autres qui demanderont réparation de cette séparation de 1919, ensuite, et ensuite...
La forme fédérale a été choisie, elle a évolué car tout processus humain est dynamique.
L’histoire est une marche, elle avance pour revenir souvent au point de départ. L’histoire du Cameroun est en marche. Les étapes intermédiaires ne seront plus que des évolutions, révolutions et circonvolutions qui participent de toute histoire.
Avait-on demandé notre avis à Berlin avant de partitionner le Cameroun en francophone et anglophone ?
Les Nations Unies avaient-elles entièrement tenu compte de notre avis lors du référendum de février 1961?
Autant donc revenir à tous ces procès, sinon ce serait préconiser l'absolution des crimes des occidentaux et l'inclémence pour les erreurs des africains.
Les nationalistes avaient préconisé une approche révolutionnaire de la réunification qui n’avait pas été agréée. Les héritiers du pouvoir néocolonial avaient emprunté leur couloir qui s'est imposé, tandis que « les tenants de la réunification [côté Southern Cameroons], Foncha le premier, mettent en avant une identité camerounaise presque immémoriale, un Grand Cameroun qu’il est du devoir des Camerounais méridionaux de retrouver ».
Peut être avec ou sans calculs pour la plupart. Mais certainement avec des sentiments et des ressentiments.
Sentiment d’appartenir à un même pays, de joie de retrouvailles de frères jadis séparés.
Ressentiments surtout du côté des South Cameroonians, vis-à-vis du Nigeria et des Britanniques.
Les premiers, les « Nigérians, et particulièrement des populations ibo, apparentés dans plusieurs discours à des envahisseurs, exploiteurs, quasi-colonisateurs ».
Les seconds, les « Britanniques, accusés d’avoir sciemment maintenu le Cameroun méridional à la marge de leurs stratégies de développement colonial - négligé, plus encore qu’exploité, d’une certaine manière ».
Elle ne date donc pas de 1961, la marginalisation des South Cameroonians ! Elle n’est pas que du fait de « La Republique».
Mais celle là qui viendrait des frères qu'on retrouve après une longue séparation serait de trop, et mal venue.
Surtout si elle conforte une désillusion, car ce que les caciques anglophones ne semblent pas tenir compte dans notre mémoire collective, est que cette fusion souhaitée et achevée par leurs parents tient aussi de ce qu’ils enviaient aux les francophones.
Nul ne peut faire oublier que « la critique du « fait colonial » au Cameroun méridional conduit parfois à une valorisation, implicite du moins, du « fait colonial » français. « Cela fait quarante ans », déclarent certains, « que nous sommes avec le Nigeria sous administration britannique. Nous n’avons pas de routes, pas d’écoles secondaires publiques, rien. Il est grand temps de tenter notre chance de l’autre côté de la frontière ». La colonisation à la française à l’est du fleuve Mungo est ainsi présentée comme porteuse d’avantages dont les Camerounais méridionaux pourraient bénéficier a posteriori, dans le cadre d’une unification avec la République du Cameroun indépendante ».
L’histoire ne fait pas bon ménage avec une courte mémoire.
Et le Cameroun oriental a soutenu le Cameroun occidental au moment de sa sortie de galère.
Le prix est sans doute trop cher payé aujourd’hui.
Mais si le dépit peut conduire à tous les excès, plus fait douceur que violence.
Le côté affectif n’était pas en reste pour consolider ce rattachement. Les services rendus par les ressortissants du territoire de l’Est (les French born) n'a pas moins raffermi ce sentiment de fraternité et ce désir d’effacer les frontières artificielles. Certains devenus anglophones, dont la stature et la grandeur valaient admiration comme le Dr Dibue, le « Chef occulte » des Foncha, d’après lequel « pour lui et ses amis, le Dr Dibue restait l’âme de leur action ».
Ces ouvriers de l’ombre de la réunification comme Jabea Dibongue, Dr Epalle, Soppo Priso (qui a procuré la logistique comme une imprimerie aux « réunificationistes ») étaient les garanties de lendemains plus sereins. Sans oublier un pionnier et artisan majeur souvent méconnu qu'est Mfon Mukete du côté du Southern Cameroon.
Ils ont dû aussi déchanter des fruits qui n'ont pas tenu la promesse des fleurs écloses par leurs efforts.
C’est bien beau de condamner Foncha et autres, mais « à chaque époque ses hommes, les hommes et leur époque », a dit Soppo Priso.
Il est très souvent facile de juger ses parents.
Toutefois, et c’est pour cela que Foncha et autres avait matière à regrets, qui dira que les fruits ont tenu la promesse des fleurs?
Combien démentiront Gorji Dinka qu’ « au lieu d'un gouvernement par le dialogue, nous avons un gouvernement par la terreur. A la place d'une législation par le débat, nous avons une législation par l'embuscade. Au lieu de la loi et de l'ordre par la persuasion, nous avons la loi et l'ordre par le brigandage et la piraterie » ?
Un autre à parlé de « gouvernement par embuscade ». En sommes-nous si éloignés ?
Dans le fond, et quel que soit la forme de revendication, ce n’est donc pas l'identité anglophone/francophone qui est à l'origine du problème anglophone, mais avant tout et surtout un problème de gouvernance qui depuis 1961, n’a pas fait preuve d’éthique, d’équité et de droiture. Qui n'a jamais donné la chance au dialogue ou qui a trahit l'esprit et la lettre de ce qui en a tenu lieu.
Car in fine, se pose un problème de gestion et de répartition des richesses, surtout au profit ou au détriment des privilégiés au pouvoir contre ceux d’où les richesses sont pompées.
Ne nous voilons pas la face, ne faisons pas l’autruche.
Et pourquoi ne pas, osons dire n’importe quoi, institutionnaliser un système de répartition des richesses du sous-sol (sous forme de redevance minière) de façon à ceux que:
- 0,2% par exemple revienne directement aux problèmes de développement du village dans lequel sont exploitées ces richesses,
- 0,3% au Canton ou Groupement,
- 1,5% à l’arrondissement,
- 3% au Département avec un plafond,
- 10% à la région avec un plafond,
- et le reste (85%) au pays tout entier ?
Cela participerait du « nouveau Contrat Social » dont l’évaluation au bout de 5 ans déterminera la subsistance ou non de remous sociaux et revendications « sécessionnistes ».
Mon opinion est donc que le problème anglophone est un vrai-faux problème.
Vrai car il existe « en pensées, en paroles, par actions et par omission » ; faux parce qu’il aurait pu être évité, et est facilement remédiable.
Le problème anglophone est aussi un faux-vrai problème.
Faux par la fixation institutionnelle à laquelle s’arc-boutent les extrémistes, la nostalgie ‘d’un passé récent ne devant pas actionner une vitesse en « marche arrière », mais pousser le levier de vitesse en avant. Le véhicule qui pourrait évoluer même vers le point de départ ou à une étape antérieure, mais dans le sens de la progression.
Si fédéralisme il doit y avoir, ce ne doit pas être un retour au fédéralisme, mais une avancée vers le fédéralisme.
Vrai parce que le problème de la forme de l’Etat se pose, et il faut répondre à tout problème, surtout lorsqu'il faut montrer au protagoniste qu'il pose un faux problème.
Ce n’est qu’une opinion, la mienne. Que ceux qui peuvent en apporter des contradictions le fassent.
Autrement, pourquoi reprocher à certains l'absence de dialogue alors qu'on répugne soi même les échanges d'opinions d'où pourrait jaillir la lumière?
Pour ce qui est du Kamerun dont mon arrière-Grand père, Looking Glass Bell Mudumbu Edjangue a signé le traité fondateur,
Ce Kamerun pour lequel mon Arrière-Grand Bel Oncle Lock Priso Kum'a Mbappe a subi les bombardements pour avoir refusé que le drapeau Allemand soit hissé dans le Canton de ma mère,
Pour ce Kamerun qui ne saurait se résumer en un nom français ou anglais, et qui ne connaissait ni francophone ni anglophone,
je dis:
Nothing, nobody can put a knife on the links that hold our country as “One Kamerun” so as to fall apart. Those links are so deep rooted that the tree can stand the shaking of its branches by the sea breeze. They are so mystical and mythical to be seen by wayward/apprentices’s sorcerers.
Quant au Cameroun/Cameroon de ma génération sacrifiée, 2, 4, 10, 100 Etats ne me remettront pas les années de lendemains qui déchantent en lendemains qui déchantent.
Pour ce qui est du "Kameroon » de mes enfants que je voudrais plus panafricanistes que moi, ce pays ne sera qu’un Etat parmi les autres de la Fédération ou Confédération Africaine.
Ils l’appelleront comme ils voudront. Ils l’assumeront comme leurs ancêtres l’auront voulu.
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