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RM5 : Silence, humilité et tolérance

La parole est d'argent, le silence est d'or. M'a appris mon père lorsque je sortais de ma timidité d'enfance pour commencer à me plaindre de lui durant mes crises d’adolescence. Et il concluait avec la dernière strophe du poème de l’un de ses auteurs préféré, Rudyard Kipling : « mon fils, tu seras un homme ». Plus tard, au cours de discussions, il récitera tout ce beau poème, avant de l’afficher sur un tableau dans sa maison, y a moins de 5 ans.
« Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou, perdre d’un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir ;
Si tu peux être amant sans être fou d’amour,
Si tu peux être fort sans cesser d’être tendre
Et, te sentant haï sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ;
Si tu peux supporter d’entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d’entendre mentir sur toi leur bouche folle,
Sans mentir toi-même d’un seul mot ;
Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois
Et si tu peux aimer tous tes amis en frère
Sans qu’aucun d’eux soit tout pour toi ;
Si tu sais méditer, observer et connaître
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur ;
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser sans n’être qu’un penseur ;
Si tu peux être dur sans jamais être en rage,
Si tu peux être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage
Sans être moral ni pédant ;
Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d’un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,
Alors, les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis
Et, ce qui vaut mieux que les Rois et la Gloire,
Tu seras un Homme, mon fils. »
Silence, humilité et tolérance, peut-on tirer de ce conseil qu’un père donnait à son fils unique de 12 ans, mais qui finit par le pousser à s’engager dans la guerre de 14/18 où il mourut à l’âge de 15 ans. Drame culpabilisant.
Ma maman quant à elle leçon (qui s'en doute craignait que ma timidité d’enfance ne soit ou devienne de l’orgueil comme le pensaient certaines personnes) n'a cessé de me marteler cette phrase : "car quiconque s'élève sera abaissé, et quiconque s'abaisse sera élevé" (Nu nyasè momènè, Loba a ma sibisè mo; nu pè nu sibisè momènè, Loba a masè mo). C'est longtemps plus tard que je réaliserai qu'il s'agissait là d'un verset biblique, Luc 14, 1:11. Le même jour, je réaliserai aussi que ce verset était la suite de celui qui m’a marqué une vingtaine d'années plus tard, à la suite de la prédication du Pasteur Mbome Ekalle : "lorsque tu seras invité par quelqu'un à ses noces, ne te mets pas à la première place, de peur qu'il n'y ait parmi les invités une personne plus considérable que toi, et que celui qui vous a invités l'un et l'autre ne vienne te dire: Cède la place à cette personne-là. Tu aurais alors honte d'aller occuper la dernière place. Mais, lorsque tu seras invité, va te mettre à la dernière place, afin que, quand celui qui t'a invité viendra, il te dise: Mon ami, monte plus haut. Alors cela te fera honneur devant tous ceux qui seront à table avec toi".
Et combien de fois n'a t-on pas reçu des conseils de tolérance dans notre vie?
Le silence, oui, c'est bon. Surtout que c'est l'arme la plus efficace et redoutable. Je m’en rendrai compte lorsque je la retournerai à mon « maître » (au propre comme au figuré) alors que je faisais mes « caprices d’étudiant ». Car qui dit arme dit agression, même silencieuse. Est-ce bon? Et lorsque le silence est synonyme de mensonge par omission, ne devient-il pas le matelas de l'hypocrisie, elle-même oreiller du ponce-pilatisme qui sert de couverture pour la crédulité? 
Humilité, rien ou presque à dire, vertu des vertus. Il faut seulement plaider pour des circonstances atténuantes, car nous sommes dans un environnement où, malgré votre envie d’effacement, les feux des projecteurs sont braqués vers vous comme le prix ou la rançon à payer pour vos qualités, disponibilité et sens du service. Alors on chuchotera, "il aime se faire voir ou valoir". « Il veut montrer qu’il sait trop ». Est-ce toujours absence d'humilité si vous manifestez ou refusez d'être humilié en vous faisant ravaler dans un rang qui manifestement n'est pas le votre à cause d'une quelconque revanche ou mesquinerie? Surtout si l'on exige pas un meilleur traitement, mais refuse de prêter le flanc et se faire violence en déclinant gentiment l'invitation ou l'installation? Il ne restera plus qu'à demander pardon à Dieu pour ce manque d'humilité. De même êtes-vous souvent contraints de parler de vous et de vos œuvres afin faire des mises aux points ou d'arrêter de voir ou d'entendre les distorsions de la vérité, puisque vous aurez beau « bien faire et laisser», on ne dira jamais, par malhonnêteté intellectuelle qui engendre l’absence de reconnaissance. Sinon que vous manquez d’humilité. Est-ce normal de laisser prospérer le mensonge ou étaler les incongruités au cours d’une réunion familiale ou professionnelle au nom du sacro-saint principe de la retenue ou d’un droit de réserve qui nous conduit au « magister dixit »?
Et la tolérance alors ? Ce manteau qui est souvent tissé de couardise, lâcheté, indifférence, mépris, ignorance. Est-ce tolérant que de s’enfermer dans sa tour d’ivoire et laisser son prochain être plumé ou déplumé ? La tolérance est une vertu supérieure qui exige le courage de ses opinions, la connaissance des faits, la distance envers eux, le discernement, l’abnégation, d’assumer ses paroles et ses actes. Et seul un homme peut être tolérant. Un animal est soit craintif, soit agressif. Pensez-vous être tolérant lorsque vous estimez pardonner sans savoir ce qu’on vous a fait ? Si vous pardonnez en connaissance de cause, alors vous faites preuve de tolérance. Il est difficile de déceler la qualité de tolérance auprès d’une personne faible que d’une personne forte. C’est peut-être pourquoi on dit « qu’être tolérant, ce n’est pas être faible, c’est savoir être fort ». 
Il est souvent facile qu’on vous recommande le silence alors qu’on veut vous faire taire ou vous traire.
On vous dit souvent d’être humble afin qu’on monte sur le podium pour enfiler la médaille qui vous est dévolue.
On vous demande d’être tolérant alors qu’on vous agresse, ceux là même qui vous agressent de façon intolérable. 
Moi j’affirme qu’il faut parler silencieusement, s’affirmer humblement et tolérer activement.
Car tout dans la vie doit être équilibre, balance. 
Si être homme c’est être mouton, alors je n’ai pas de chance d’être né sous le signe du taureau.